Un journaliste raconte la vie en Chine sous coronavirus : "C’est comme dans la série The Walking Dead"
Publié le 03-03-2020 à 11h45 - Mis à jour le 03-03-2020 à 14h56
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Basé à Pékin, Sébastien Le Belzic a filmé son quotidien. Arte, 20 h 50.
La parano s’empare de l’Europe depuis quelques jours et l’annonce des premiers cas de coronavirus. Sébastien Le Belzic, journaliste basé à Pékin, vit confiné depuis plus d’un mois. Dans Chine : chronique d’une quarantaine , le Français s’est filmé pour raconter son quotidien. Il n’est pas facile, on imagine, de réaliser un documentaire dans un pays placé en quarantaine…
On a justement cherché la façon dont on allait pouvoir traiter cet événement sans bouger. On a émis l’idée de se rendre sur place à Wuhan mais la ville a été totalement fermée, c’était trop compliqué d’y aller. On n’aurait pas pu repartir, en plus. On ne savait pas encore, à l’époque, si l’épidémie allait prendre une importance aussi grande. On s’est donc dit que le plus intéressant était peut-être de raconter les effets de cette épidémie sur notre vie quotidienne. D’habitude, on fait des reportages où on se déplace beaucoup. Là, l’idée était de raconter ce que je vivais.
Comment se passe la vie à Pékin ?
Cela fait six semaines qu’il y a des mesures de confinement. Au départ, la Chine a d’abord fermé la région de Wuhan, qui représente, quand même, 70 millions de personnes. Rapidement, ces mesures ont été appliquées à d’autres villes et elles se sont renforcées au fil du temps. Les sites touristiques, tels que la Cité interdite, sont fermés. Ils ont aussi isolé les résidences pour contrôler les allées et venues des habitants. On ne peut donc plus recevoir de visites de l’extérieur, on doit passer par un sas de sécurité où notre température est contrôlée. Les autorités veulent savoir où nous sommes allés.
Est-ce compliqué de s’approvisionner en eau, en nourriture ou autres ?
Énormément de choses sont fermées, quelques supermarchés sont restés ouverts. Les livreurs à domicile ne peuvent plus accéder aux habitations. Du coup, on descend pour aller chercher des bidons d’eau et de la nourriture. On doit marcher 800 mètres, c’est de plus en plus loin.
Internet permet-il au régime chinois de contrôler la population ?
Dans certaines villes, les gens doivent installer sur leur téléphone une application qui permet de retracer précisément où ils sont allés. En fonction du risque sanitaire de chaque citoyen, vert, jaune ou rouge, ces derniers savent s’ils sont autorisés à se déplacer ou s’ils doivent rester confinés. L’application est scannée lors de chaque déplacement. Avec le coronavirus, on a vu la capacité qu’a la Chine pour contrôler ses habitants. C’est assez impressionnant. En Europe, on se pose des questions sur les mesures à prendre. Ici, ça se fait de manière brutale car on ne discute pas les ordres. Le coronavirus inquiète le régime. On a vraiment senti sa force sur tout le pays. Ils parviennent à mobiliser des comités de quartier, le Parti communiste… Cette propagande s’exprime partout, au pied de chez moi, dans le métro, par des banderoles. Il y a un espèce de relent de Révolution culturelle qui est assez impressionnant.
Vous rappelez justement le rôle des citoyens qui ont osé parler pour montrer la réalité…
Dans ce film on essaie de raconter comment des journalistes citoyens, au péril de leur vie, essaient de raconter ce qu’il se passe dans les hôpitaux et comment le couperet du régime est tombé. Ils ont été arrêtés ou ont disparu… On ne sait pas trop. Il y a aussi le cas de Li Wenliang, le médecin qui a révélé l’épidémie dès les premiers jours. Il a été arrêté, blanchi et est mort du virus. Ça a été un vrai électrochoc dans l’opinion publique chinoise. Les gens se sont rendu compte qu’on leur cachait des choses. On savait que le régime n’était pas particulièrement ouvert à la critique ou à la libre discussion, mais là on a été surpris par l’ampleur de ce phénomène.
Comment les Chinois vivent-ils cette période ?
C’est comme dans la série The Walking Dead ( série sur le quotidien d’un groupe de morts-vivants, NdlR ). La catastrophe est là mais on ne la voit pas. Tout le monde a disparu de la surface de Pékin pendant plusieurs semaines et dans de nombreuses villes. Les gens ne sortent pas, il y a une paranoïa, ils portent tous des gants et des masques et parfois des tenues de protection. Il y a des gens assez cools, d’autres sont équipés comme pour aller sur la Lune, c’est assez étonnant.