#MeToo: briser l’omerta dans le monde de la danse
Ce film relaie les propositions de danseurs, de chorégraphes et chercheurs. A voir sur Arte, à 22h35.
Publié le 11-03-2020 à 09h09 - Mis à jour le 11-03-2020 à 09h10
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Ce film relaie les propositions de danseurs, de chorégraphes et chercheurs. A voir sur Arte, à 22h35.
Le mouvement #MeToo, lancé aux États-Unis en 2017 dans le milieu du cinéma, s’est étendu à l’ensemble de la sphère artistique : le théâtre, la danse… Puis dans la société tout entière. Le débat a fait des émules dans le monde entier, et notamment en France, sous le hashtag #balancetonporc.
Le documentaire que signent Lena Kupatz et Lina Schienke, #MeToo entre dans la danse , s’intéresse tout particulièrement aux silence breakers (briseurs de silence) qui ont libéré la parole dans le milieu de la danse. Parmi eux, la danseuse et historienne de l’art belge Ilse Ghekiere a prolongé le débat, quelques semaines après les révélations liées à l’affaire Weinstein, en publiant un article choc, "#WeToo", rassemblant plus de 80 témoignages. Autant de récits d’agressions sexuelles, de gestes déplacés ou de harcèlement glanés dans des compagnies de danse ou des corps de ballets.
Le travail de recherche d’Ilse Ghekiere n’est pas demeuré lettre morte. Le ministère flamand de la Culture l’a relayé en lançant une étude nationale sur le sexisme et le harcèlement sexuel. Un budget a même été débloqué par les pouvoirs publics belges pour mettre en place un plan d’action de soutien psychologique et juridique aux victimes.
Le corps, objet de création
Les images captées au fil des répétitions de ballets ou de spectacles dans ce documentaire sont très inspirantes pour aborder un sujet aussi délicat que le harcèlement et l’abus de pouvoir.
Ainsi que l’exprime fort bien, notamment, l’activiste et danseuse Robyn Doty, le corps des danseurs, sous le regard du chorégraphe, ne leur appartient pas à 100 %. Et l’on comprend que l’approche du corps, "objet de création", puisse être spécifique, et induire des limites floues. Cependant, tous les interlocuteurs de ce film sont d’accord sur la nécessité de définir avec vigilance les limites de ce qui est autorisé ou non, dès le plus jeune âge. C’est dans ce sens que travaille le Scottish Ballet de Glasgow, dont le directeur artistique Christopher Hampton a décidé de repenser "la culture collective de la compagnie", davantage fondée sur la transparence et la concertation. Mais aussi de susciter les échanges, pour aboutir à une prise de conscience globale.
Si les langues se délient difficilement à l’écran sur les agressions elles-mêmes, les auteures ont cependant choisi la lecture de plusieurs témoignages écrits relatant des expériences douloureuses, subies auprès d’un chorégraphe, d’un maître de ballet, ou d’un collègue de travail. Elles font également un détour utile par l’histoire du ballet.
Elles montrent combien la tradition héritée du XVIIIe siècle, au moment où les femmes commencent à monter sur scène, a imposé une représentation machiste de la ballerine, courtisée au XIXe siècle par de riches membres de la bonne société, et véhiculé une discipline de fer, des rapports hiérarchisés, parfois peu respectueux de la personne humaine. Le tout étouffé dans un silence craintif, que commencent à briser les danseurs, les femmes comme les hommes.