"Culottées" replace les femmes dans la frise historique
L’adaptation de la BD de Pénélope Bagieu met en avant 30 héroïnes, sur France 5 et France.tv.
Publié le 16-03-2020 à 12h54 - Mis à jour le 16-03-2020 à 12h59
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L’adaptation de la BD de Pénélope Bagieu met en avant 30 héroïnes, sur France 5 et France.tv.
Avec sa BD Culottées (Gallimard), Pénélope Bagieu a revisité et mis en avant le parcours exemplaire de femmes qui ont infléchi le cours de l’Histoire, qu’elles soient gynécologue, travailleuse sociale, rockeuse ou chamane. Sans que leur nom soit forcément passé à la postérité. Une équipe de femmes signe une adaptation piquante de cette œuvre à succès en série animée en 2D, Culottées . La scénariste Émilie Valentin fut la première à s’y atteler il y a plus de deux ans.
Qu’est-ce qui vous a interpellée dans la BD de Pénélope Bagieu ?
Le producteur Arnaud Colinart a acheté les droits avec Agath Films, société pour laquelle je travaillais, et m’a demandé d’écrire des scénarios sur Joséphine Baker et Annette Kellerman, pour obtenir l’accord d’une chaîne. J’avais lu la BD dans Le Monde avant qu’elle ne soit éditée. Elle parlait très souvent de personnages que je ne connaissais pas, et le fait de remettre les personnages féminins dans la frise historique, à la place où ils auraient dû toujours être, m’intéressait beaucoup. Parce que, quand rien n’est écrit sur un personnage, il n’existe pas. En entrant dans ces histoires, on s’est rendu compte avec ma coscénariste Élise Benroubi que les droits des femmes que l’on prend pour acquis sont toujours le fruit d’un combat, et qu’il fallait se battre pour les conserver.
Avez-vous eu des surprises en parcourant ces vies ?
Oui, je n’avais pas conscience du rôle de Joséphine Baker dans la Résistance. Je ne savais pas que l’actrice hollywoodienne Hedy Lamarr était aussi une inventeuse. En nous documentant, on a aussi constaté que l’impératrice de Chine Wu Zetian, essentiellement décrite comme une tueuse sanguinaire cherchant le pouvoir à tout prix, avait en réalité fait des choses très bien pour son pays et s’était comportée comme tous les empereurs avant et après elle. Eux étant considérés comme de grands chefs de guerre…
Vous réécrivez l’Histoire sous un nouvel angle ?
C’est ce que fait la BD, et la série dans le prolongement. Même une sculptrice extrêmement connue comme Camille Claudel n’était pas dans les livres d’histoire de l’art pendant longtemps et ce sont des historiens qui sont allés chercher ses œuvres et l’ont fait entrer dans les livres et les musées. Pour les nouvelles générations, c’est évident que les femmes peuvent être volcanologues ou impératrices de Chine, quand on a des références comme Les Culottées. Cela fait partie du champ des possibles.
Quel fut votre degré de liberté pour l’adaptation ?
Pénélope Bagieu nous a fait entière confiance. En relisant les scénarios, elle nous a parfois suggéré des choses. Ce fut un travail collaboratif et bienveillant. On s’est approprié la série, qui a une identité très forte avec un ton particulier, une cohérence. Nous en avons conservé l’esprit sans respecter chaque blague et chaque étape de la narration animée. Par exemple, dans la BD, il y a du texte écrit qui n’est pas dit par le personnage, mais, si on avait retranscrit cela dans la série, on aurait montré des héroïnes passives pendant qu’une voix off raconte leur vie. Cela aurait donné un message contradictoire par rapport à ce qu’on raconte sur ces femmes. Elles prennent donc beaucoup la parole à la première personne, plus que dans la BD. Cela a nécessité une grosse adaptation parce qu’on met dans leur bouche des phrases qu’elles n’ont pas nécessairement dites. Ce sont soit des citations, soit des phrases imaginées.
Cécile de France fait toutes les voix, y compris la voix off, qui contextualise les choses.
On a travaillé par colonnes. L’une pour le texte dit par le personnage, une autre pour les infos données à l’image sur le lieu et la période, et la troisième pour la voix off. On a ensuite revu les choses avec les réalisatrices Mai Ngjuyen et Charlotte Cambon, pour que ce soit cohérent, fluide, en termes de décors, d’économie d’actions. Il y a de grands à-plats de couleurs, des décors stylisés avec quelques indices, et ce qu’on peut se permettre en animation : un personnage regarde sa série préférée, qui l’emmène dans l’espace, par exemple. Dans cette série grand public, il y a beaucoup de choses qui sont métaphoriques, notamment sur la violence. Il y a plusieurs lectures possibles.