"Paris-Brest", une nouvelle et puissante adaptation de Philippe Lioret
Le réalisateur Philippe Lioret adapte librement le roman de Tanguy Viel, "Paris-Brest". Sur Arte, à 21 h.
Publié le 27-03-2020 à 08h29 - Mis à jour le 27-03-2020 à 12h06
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Le réalisateur Philippe Lioret adapte librement le roman de Tanguy Viel, "Paris-Brest". Sur Arte, à 21 h .
Après Toutes nos envies , Je vais bien, ne t’en fais pas et Le Fils de Jean , Philippe Lioret signe une adaptation libre, intimiste et puissante, du roman éponyme de Tanguy Viel, Paris-Brest . Au centre du récit, Colin quitte sa ville natale pour aller étudier les lettres à Paris. Même s’il est obligé de s’éloigner de sa grand-mère et d’aller à l’encontre des attentes de son père.
Pourquoi ce roman ? J’aime ce que ce livre raconte sur les rapports humains et les trahisons entre des gens qui sont censés s’aimer et ne s’aiment pas bien. Ce qui me plaît, c’est que dès qu’il est question de famille et d’argent, on est dans la tragédie grecque, avec les mêmes vertus dramaturgiques puissantes. Il faut que l’histoire et les personnages me parlent, mais en changeant de point de vue. J’ai beaucoup modifié la trajectoire des personnages.
Qu’est-ce que vous avez gardé ?
J’ai gardé le nœud de Colin et de sa grand-mère. Les rapports avec les parents sont revus et inventés. Quand j’adapte un livre, je réfléchis à ce qui m’intéresse autour de cette histoire. Je ne le rouvre plus ensuite. Il n’y a pas une réplique du film qui soit dans le livre. Mais sans ce livre-là, ce ne serait pas ce film-là.
Pourquoi avoir fait le choix de juxtaposer à l’écran le présent et le passé sans flash-back ?
Dans une continuité, on change d’époque. Mon idée était de mettre le spectateur dans une situation d’inconfort, ce qui crée des charges de confusion, qui deviennent de l’attachement. Je trouve formidable cette interactivité des spectateurs, tellement abreuvés d’images qu’ils sont capables de faire la part des choses instantanément. Je n’avais pas envie de raconter cette histoire de façon linéaire. Arte est la seule chaîne qui permette ce genre de création pour le petit écran.
Le choix d’Anthony Bajon (Colin) a-t-il été évident ?
J’avais vu La Prière de Cédric Kahn. En trois minutes, le choix d’Anthony s’est imposé. Il a cette intelligence de compréhension du texte, des intentions cachées. Et une épaisseur. Il me fait penser à ce qu’était Gérard Depardieu à 20 ans. Même si on le filme assis sur une chaise, il se passe quelque chose. Il ne fabrique rien. Peu d’acteurs ont ce magnétisme, cette capacité de vous tenir en haleine une heure et demie. Et il est épaulé. Kevin Azaïs (son pote) est formidable, Catherine Arditi (la grand-mère) impériale. Valérie Karsenti (la mère) incarne un personnage détestable, elle a cette tension en elle et fait partie des actrices qui se foutent de leur image.
Vous dépeignez des gens vénaux, un invariant de la nature humaine ?
C’est un avatar de ce qu’on pourrait être tous, parce que le pognon a pris une telle place dans la vie des gens. J’ai ramené ce besoin de paraître dans le scénario qui n’était pas trop dans le livre.
Vous auscultez aussi les rapports entre les générations, ce qu’on fait des personnes âgées…
Dès que les vieux pètent un plomb et s’ils sont pleins de fric, la tentation est grande de les mettre sous tutelle et au vert. Je l’ai bien connu dans ma famille, ça m’a inspiré. J’aime parler de ce que je connais. Je ne crois qu’à l’identification au cinéma et on peut s’identifier à des gens pas très nets. À travers Colin, on parle des gens qui ont un potentiel énorme et sont coincés par eux-mêmes. Le plaisir du spectateur s’immisce dans le fait de voir la vie sous un axe différent et d’être embarqué par le rythme d’une histoire. La grande force du cinéma, c’est qu’il impose un rythme que la littérature n’impose pas.
Cela démarre tranquillement, et la narration monte en intensité progressivement.
Il y a des films qui démarrent sur les chapeaux de roues, et puis s’endorment. Je préfère commencer de façon proche de la vraie vie, où les personnages s’ennuient, jusqu’au moment où ils vivent quelque chose d’exceptionnel et vont se transfigurer.
Avez-vous d’autres projets ?
Je suis entré en préparation sur un long-métrage, Seize ans . Nous nous sommes arrêtés en plein milieu du casting et des repérages. Dès que le confinement sera fini, on y retournera, pour un tournage cet été ou à l’automne, si ça se prolonge.