"Au nom du père": aimer au-delà de la mort
- Publié le 14-05-2020 à 13h35
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La deuxième saison d’"Au nom du père" est brillante. À 20 h 55, sur Arte.
Comme dans les tableaux d’Hammershøi, Au nom du père plonge dans une atmosphère d’une grande beauté, d’une singulière étrangeté aussi…
Créateur de la brillante série politique Borgen , le scénariste et showrunner Adam Price a remporté le Danish Robert Awards 2019, meilleurs série, acteur (Lars Mikkelsen) et actrice (Ann Eleonora Jorgensen) pour sa seconde série. Déjà, en 2018, Lars Mikkelsen avait reçu, à New York, le prix d’interprétation masculine aux Emmy Awards pour le rôle de Johannes Krogh, pasteur alcoolique, maniaco-dépressif, aux sermons enflammés porteurs d’espérance et de foi. Un homme de Dieu capable d’aider les autres à se libérer de leurs démons. Un homme "comme les autres" pris entre sa foi et une institution qui ne la comprend pas toujours. Un personnage inspiré d’un pasteur danois qui a pourtant fait évoluer l’Église.
L’amour inconditionnel
Jusqu’au 7 juin, arte.tv diffuse les saisons 1 et 2 en intégralité dans deux excellentes versions, originale et sous-titrée. Nul besoin d’être attaché à une religion pour aimer ces personnages. Dans leur quête d’être aimés pour qui ils sont, dans cette difficulté de trouver leur propre place, ils nous ressemblent tant.
Johannes Krogh aime ses enfants à condition que ceux-ci se conforment à ses désirs. Lui-même porte les désirs tyranniques de ses propres ancêtres, tous pasteurs. Elisabeth et Johannes ne se parlent plus. Elle a entamé une relation extraconjugale.
Christian, le fils aîné, "l’homme en colère", a trouvé son salut dans la rencontre avec un jeune moine bouddhiste. S’inspirant de ses préceptes, il est devenu coach en développement personnel et son affaire prospère.
Émilie est la compagne d’August, pasteur inspiré et tourmenté, le plus jeune des fils Krogh. Médecin, cartésienne, elle ne croit pas à "toutes ses bondieuseries" et rend Johannes responsable d’un terrible drame; elle lui interdit de voir son petit-fils Anton et de le baptiser…
Cette deuxième saison tisse dans les dialogues, la mise en scène, la sublime photographie, la présence et la beauté des acteurs, des fils intimes qui se nouent et se dénouent sur la terre comme au ciel. Elle pousse chacun dans ses retranchements, les confronte à leurs mensonges et leur quête de vérité. Et malgré les éclats, les ruptures et les défaillances, le respect qu’ils s’accordent les uns aux autres, nourrit notre réflexion sur l’amour inconditionnel, le mystère de la foi, le chagrin, l’épreuve, le pardon, la paix. Un pardon parfois plus difficile à accorder à soi-même, qu’aux autres…
Une étonnante conversion
Le dénouement, au dixième et dernier épisode de cette saison, apporte des réponses aux questions humaines les plus intimes, dans une exigence artistique qui permet la comparaison avec Vilhelm Hammershøi.
Le grand maître de la peinture danoise (1864-1916) représentait ses proches dans des appartements et son épouse, souvent de dos. Des intérieurs qui font écho à notre solitude. Des paysages nus, aussi, qui par leur beauté semblent nous inviter à donner un sens à notre présence.
Dans l’interview qu’il nous avait accordée lors de la première saison, Adam Price s’était confié sur ses propres inclinaisons. Il disait ne pas avoir la foi, mais respecter la démarche de ses personnages. Il se trouve qu’en incarnant le pasteur Johannes Krogh, le comédien primé Lars Mikkelsen a eu un déclic. Récemment, il s’est fait baptiser.