Des thérapies de conversion barbares: une enquête bouleversante sur les traitements infligés aux homosexuels aux USA
C’est un enjeu de société aux États-Unis. Un combat politique, moral et religieux qu’explore Caroline Benarrosh dans une remarquable enquête pour la case de société Le Monde en face. A voir sur France 5, à 20h50.
Publié le 08-09-2020 à 14h24 - Mis à jour le 08-09-2020 à 14h25
:focal(1675x767:1685x757)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/U6BHNCVJDZCNXJ5F6T7UAYQSU4.jpg)
Ce documentaire essentiel se penche sur la menace qui pèse encore sur les Américains qui osent proclamer leur homosexualité. Le Williams Institute estimait en 2018 que 700 000 Américains avaient déjà été victimes des thérapies de conversion. Dont plus de la moitié avant leur majorité.
Tu deviendras hétéro, mon fils se veut d’abord le réceptacle de témoignages puissants de jeunes ayant subi jusqu’aux pires sévices pour les aider à "passer de gays à hétérosexuels". Imposées par des parents convaincus que l’homosexualité est une maladie mentale et un péché, ces thérapies apparues dès les années 1950 ont déjà causé énormément de dégâts, psychologiques ou sociaux. Jordan Kramer, issu d’une famille baptiste ultra-conservatrice, en a fait les frais. Lorsqu’à 17 ans il décide d’arrêter sa thérapie, il doit quitter la maison familiale…
Violences physiques et sexuelles
Le témoignage de Jordan rejoint celui de Mathew, obligé, suite à l’avis d’un psychologue, d’ignorer sa mère et ses sœurs pendant trois ans, ou de Lucas, placé dès l’âge de 13 ans dans des camps de conversion tenus par des congrégations religieuses. C’est là qu’il a subi des violences physiques quotidiennes et autres sévices sexuels destinés à "sortir le démon gay" hors de lui… Filmé dans l’un de ces camps, aujourd’hui fermé, Lucas montre une de ces cellules minuscules où il a connu l’isolement pendant près de quatre mois pour avoir essayé de fuir.
Il est l’un des seuls à avoir eu le courage de témoigner contre ses bourreaux lorsqu’en 2014 l’un de ces camps fut interdit suite à une plainte (trois de ses administrateurs furent condamnés à vingt ans de prison). Renvoyé dans un autre camp par sa mère, Lucas réussit finalement à s’échapper avant d’être recueilli par une association new-yorkaise venant en aide à des adolescents LGBT rejetés par leur famille.
Outre ces récits déchirants de jeunes brisés par les convenances sociales et religieuses, et par ces thérapies de conversion barbares encore autorisées dans deux tiers des États américains, Caroline Benarrosh tend aussi le micro à la partie adverse. Où l’on suit notamment une papesse du "Mouvement des anciens gays", Janet Boynes, qui place dans le même sac l’homosexualité, la toxicomanie ou la pédophilie. La documentariste met encore en avant la croisade de l’activiste et journaliste Wayne Besen, qui suit depuis trente ans ces groupes soutenus par la droite religieuse, et dénonce leur hypocrisie.
Idéologie toxique
Des voix commencent à s’élever. À commencer par celles de thérapeutes repentis regrettant d’avoir colporté une idéologie toxique. Cependant, malgré un consensus scientifique établissant que ces thérapies ne servent qu’à infliger des souffrances, le combat pour la liberté sexuelle est loin d’être gagné aux États-Unis. S’appuyant sur le premier amendement de la Constitution qui défend le libre exercice de la religion, l’Église continue à peser dans le domaine législatif. Trouvant des relais jusqu’à la Maison-Blanche, notamment en la personne du vice-président Mike Pence.