Abandonnés, défavorisés, orphelins... 400 jeunes se retrouvent à l’École de la dernière chance
Le réalisateur belge Thierry Michel a posé sa caméra dans une école de Seraing. Arte, 22 h 30.
Publié le 09-09-2020 à 14h05 - Mis à jour le 09-09-2020 à 14h06
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C’est l’histoire d’un bouleversement. Celui d’un film, d’abord. Et d’un agenda, ensuite. Au commencement étaient la banlieue de Liège, le cinéaste belge Thierry Michel et des adolescents percutés par des épreuves que d’autres ne connaîtront jamais. Parmi ces élèves livrés à eux-mêmes, un jeune homme passionné de foot, promis à un brillant avenir de sportif, devenu braqueur. Une jeune fille dont le père est mort d’une overdose. Une autre, incomprise, enfermée dans une forme de mutisme. Un petit garçon abandonné par sa mère, élevé par sa marraine qu’il adore, à qui il est finalement retiré. Un autre garçon qui se sent fille dans son corps et dans son âme. Tous se retrouvent dans L’École de la dernière chance .
Chômage, misère, migration, tentation
Ce documentaire a été conçu pour les salles obscures. Terminé en décembre 2019, le long métrage devait sortir au cinéma le 27 avril dernier sous le titre L’École de l’impossible. Ensuite seulement, il devait être diffusé sur Arte dans un format plus court. Mais la crise sanitaire a bouleversé l’agenda. C’est Arte qui diffuse la version de 52 minutes sous le titre L’École de la dernière chance comme une avant-première de la version intégrale de ce film écrit avec Christine Pireaux.
Sur le portail de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles, le cinéaste Thierry Michel avait confié la genèse de son projet : L’École de l’impossible. "Après avoir fait Enfants du hasard sur des petits-enfants de mineurs, dans le nord de Liège, j’avais envie de faire un film sur les enfants de sidérurgistes, dans le sud de Liège, à Seraing, commune emblématique de la sidérurgie wallonne. Le hasard a aussi joué, car c’est en filmant la démolition du haut-fourneau de Seraing pour un film sur l’histoire industrielle liégeoise que j’ai fait la connaissance du collège Saint-Martin. L’école jouxtait ce haut-fourneau et son directeur nous a permis d’installer une caméra dans une des classes, expliquait Thierry Michel dans le Prof, le magazine des professionnels de l’enseignement. "Ainsi, au départ d’un film sur le passé, je me suis lancé dans un film sur le présent, à travers une génération qui m’interpelle beaucoup, celle des adolescents. J’ai découvert que les élèves du collège Saint-Martin n’étaient pas des enfants de sidérurgistes, et rarement de travailleurs. Dans cette zone de déshérence industrielle, la plupart sont en effet issus de familles en situation précaire, au chômage ou dépendant de l’aide sociale. Comment ces jeunes se situent-ils, comment vont-ils se construire et en quoi l’école, qui est un milieu de culture collective, va pouvoir les aider ? Ces questions étaient à l’origine du film."
Avec maturité, sensibilité, intelligence, les adolescents se confient face caméra. D’autres aussi font preuve d’un terrible manque d’empathie pour certaines victimes, comme ces deux policières tuées à Liège par un ex-détenu radicalisé. Dans ce collège se confrontent l’instinct de vie et l’instinct de mort pour mieux faire triompher la vie. Il en ressort des échanges d’une spiritualité si profonde qu’elle irradie le film sans verser dans le religieux. Une spiritualité que l’on ne montre pas d’ordinaire dans les films - très codés - sur la banlieue. Entre les non-dits et ce qui est suggéré, le réalisateur protège ces jeunes autant qu’il attise l’attention du spectateur.
Un lieu d’émancipation
Quelque 400 jeunes de dix-sept nationalités différentes, provenant d’immigrations récentes ou vivant dans des quartiers défavorisés, sont accueillis au collège Saint-Martin. Les trois filières, classes générales, techniques et professionnelles, sont portées par des enseignants convaincus que leurs élèves peuvent échapper à une fatalité en créant leur propre vie. L’alchimie entre la direction, les professeurs et les personnalités qui émergent opère.
L’école, lieu d’apprentissage, deviendrait-elle outil de résilience ? Au collège Saint-Martin de Seraing, la caméra dévoile un lieu d’émancipation où chacun peut apprendre le sens de la liberté, de l’autonomie, de la responsabilité. Une école qui n’assume pas simplement sa seule fonction d’instruire, mais prépare aussi à exister.
La version intégrale de 1 h 40 sortira en salle en janvier 2021. Le long métrage, construit selon une autre dramaturgie, plus complexe, réserve d’autres surprises autour de nouvelles personnalités et de nouvelles facettes de l’école aussi.