Dans les pas d’une "retournee" de Syrie
Dans "Retour aux sources", Safia Kessas suit Julie à son retour en Belgique. Sur la Trois, dès 21 h 10.
Publié le 21-09-2020 à 14h04 - Mis à jour le 21-09-2020 à 16h50
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Au premier plan, une baie vitrée dans laquelle se reflète la silhouette et la chevelure grise de Martine, en train de lire sur la terrasse d’un pavillon. Au fond, sa fille s’affaire dans la cuisine. Dans l’abri de jardin posé un peu plus loin, le mari élève, de son côté, des canaris. Ensemble, le trio regarde les candidats du Meilleur Pâtissier s’écharper pendant que le cocker dort dans son panier. Une famille tout ce qu’il y a de plus "normale" ? En apparence, seulement. Car Martine et son mari ont eu la stupéfaction de voir Julie, 30 ans, partir en 2015 en Syrie pour rejoindre les rangs de l’État islamique. Essayer de comprendre l’incompréhensible, c’est la mission de Safia Kessas avec Le Prix de la déraison**.
Partie en Syrie avec sa fille de cinq ans
Dans ce documentaire d’un peu plus d’une heure, la réalisatrice a suivi sur le long terme cette "retournee" à sa sortie de prison. Julie n’en a pas fini avec la justice. Elle doit toujours comparaître pour non-représentation d’enfant à celui qui avait le droit de le réclamer. Dans sa folie, elle avait emporté sa petite fille de cinq ans dans ses bagages.
Le président rappelle la gravité des faits, notamment le fait d’avoir donné 3 000 euros à son "ex-mari" djihadiste. Les mots qu’elle avait prononcés. La Belgique, ce "pays mécréant", la Syrie "le seul pays où il est possible de vivre en respectant la charia". Les menaces proférées : "Tout faire sauter", y compris elle. La jeune Belge a même tiré avec une kalachnikov dans l’Euphrate devant sa fille. Suivie par un pédopsychiatre, cette dernière a, qui plus est, vu sa mère se faire frapper. "Ça l’a énormément marquée", admet-elle devant un parterre de femmes face auxquelles elle témoigne.
Devant ses courageux et malheureux parents, Julie explique, aussi, pourquoi elle s’est convertie, "ça mettait des règles", son endoctrinement express avec une amie sur les réseaux sociaux, son arrivée là-bas et son mariage avec un homme qu’elle ne connaissait même pas.
À certains moments, on a l’impression que Julie a compris et qu’un salut, une autre vie, est possible. À d’autres moments on se dit qu’elle est encore bien perdue, notamment lorsqu’elle peste contre la justice qui "rechigne" à lui rendre sa fille. On se demande si elle a bien compris la gravité de ce qu’elle a fait.
Pas de parti pris
Quel sort réserver aux combattants partis en Syrie qui se disent repentis et à leur famille ? Avec ce film équilibré, sans voix off et une réalisation sobre, Safia Kessas ne prend pas parti. Elle nous invite seulement à la réflexion. Cette question difficile sera débattue dans la foulée par Julie Morelle et ses invités : Bernard Devos, délégué général aux droits de l’enfant; Alain Grignard, expert en terrorisme; Annie Devos, administratrice générale des maisons de justice; Fabienne Brion, criminologue à l’UCLouvain, et Samira, la maman d’une ex-djihadiste toujours coincée avec ses enfants en Syrie.