Une enquête accablante contre le journaliste Darius Rochebin, accusé de harcèlement et d’agressions sexuelles
L’enquête est accablante. Sur les réseaux sociaux tels que Facebook, l’ancien présentateur de la RTS aurait "usé de fausses identités créées de toutes pièces pour entrer en contact tant avec des collègues qu’avec des inconnus".
- Publié le 10-11-2020 à 11h30
- Mis à jour le 16-04-2021 à 10h23
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Encensé par les médias suisses et français, le journaliste Darius Rochebin est aujourd’hui accusé d’agissements à caractère sexuel inappropriés par Le Temps, quotidien suisse de référence. En août dernier, l’ex-présentateur star de la Radio Télévision Suisse était recruté en France par LCI. Sur la chaîne d’information du groupe TF1, il animait un grand entretien du lundi au jeudi, à 20 h, jusqu’à ce que la parution d’une enquête intitulée La RTS, Darius Rochebin et la loi du silence ne précipite son départ le week-end dernier.
"Gestes déplacés", "propos salaces"
Samedi 31 octobre, la rédaction en chef du Temps a pris moult précautions dans son éditorial pour annoncer "Une enquête d’utilité publique" qui aura mobilisé trois journalistes pendant plusieurs mois et recueilli près de 30 témoignages permettant d’affirmer : "Au sein d’un département de la RTS, plusieurs collaboratrices et collaborateurs n’ont pas été protégés des agissements abusifs de personnes occupant des positions de pouvoir. Le plus connu d’entre eux n’a pas été à la hauteur du modèle qu’il représente."
Le mouvement #MeToo et le départ de Darius Rochebin pour une chaîne française auraient permis de libérer la parole : "Mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes sont régulièrement évoquées. Au sein de la chaîne publique, on raille volontiers sa conduite, sans toujours en mesurer les conséquences."
L’enquête est accablante. Sur les réseaux sociaux tels que Facebook, l’ancien présentateur de la RTS aurait "usé de fausses identités créées de toutes pièces pour entrer en contact tant avec des collègues qu’avec des inconnus. Il s’en est notamment servi pour obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous". Une dizaine d’entre eux, "contactés par Darius Rochebin entre 2009 et 2017" auraient livré leur récit aux journalistes. "L’un était mineur au moment des faits", précise Le Temps.
"Utilisation de fausses identités"
"Le procédé mis en place par Darius Rochebin obéit à une systématique précise, tant sur l’approche que sur les personnes ciblées. Ce sont, pour la plupart, de jeunes étudiants, stagiaires journalistes ou engagés en politique. Des individus qui, un jour ou l’autre, pourraient avoir besoin des médias et qui, de prime abord, ont toutes les raisons d’être flattés que Darius Rochebin s’intéresse à eux. Les conversations avec l’animateur débouchent d’ailleurs régulièrement sur des invitations à venir visiter les locaux de la RTS, voire à intervenir sur le plateau du téléjournal, poursuit Le Temps. Le premier contact intervient souvent après une première et modeste apparition à l’antenne, un événement ou encore un débat estudiantin auquel Darius Rochebin participe en tant qu’invité de marque. La plupart du temps, les internautes contactés croient parler à deux personnes distinctes : Darius Rochebin et une jeune étudiante - soit Laetitia Krauer, soit Lea Magnin. Ils ignorent que le présentateur mène en réalité ces deux discussions en même temps. Systématiquement, le présentateur star, dissimulé sous les traits de ces jeunes femmes, invite son interlocuteur à répandre des rumeurs à son propre sujet : "tu sais que Darius a une mini-bite ?", "son mini-kiki ne dépasse pas la taille de sa main en pleine action", "un dé à coudre" - et insiste sur la nécessité d’en parler. Une fois le domaine de la sexualité mis en avant, les questions de Laetitia Krauer ou de Lea Magnin au sujet de l’anatomie de leurs interlocuteurs s’enchaînent. Elles sondent les pratiques et les préférences sexuelles de ces derniers, demandent leur avis au sujet de Darius Rochebin."
Le quotidien renchérit sur le manque d’éthique : "À noter qu’une certaine Laetitia Krauer intervient également dans les médias pour saluer les performances de Darius Rochebin, précise le quotidien suisse. Dans Télétop Matin en 2007 : "Merci à Darius Rochebin pour le merveilleux moment de ‘Pardonnez-moi’ avec Mimie Mathy. À la fois drôle, piquant, émouvant à certains moments." Idem en 2013, dans le guide TV et cinéma encarté dans La Liberté : "Sympa, l ’initiative. J’adore Darius Rochebin qui est classe avec une pointe d’humour."
La présomption d’innocence
Dès le 31 octobre dernier, par voie de communiqué, Darius Rochebin s’est dit "choqué par le récit malveillant publié par le journal Le Temps" : "Jamais je n’ai fait l’objet d’une plainte. Jamais je n’ai eu de relation non consentie ou illicite. […] J’ai demandé à LCI de me libérer quelques jours pour être auprès de ma famille." Et le groupe TF1 rappelle "être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution".
Adrien Gindre, chef du service politique de TF1 et LCI, avait remplacé Darius Rochebin au pied levé tout au long de cette semaine. C’est finalement Elizabeth Martichoux, titulaire de l’interview politique du matin, qui animera désormais la tranche du 20 h, tandis qu’Adrien Gindre remplacera sa consœur en matinale.
Ce lundi, Vincent Solari, l’avocat suisse de Darius Rochebin, confirmait auprès de la RTS : "Nous allons engager très prochainement une procédure pénale suite à l’article du Temps." Ni le Temps, ni Vincent Solari, ni LCI n’ont souhaité commenter. Seule la RTS nous a répondu : "Nous ne souhaitons pas nous prononcer sur le choix de notre ancien employé."