"The Crown" : le vrai et le faux de la saison 4
Le point de vue de Peter Morgan suscite l’ire de proches de la famille royale britannique. Voici pourquoi.
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Publié le 19-11-2020 à 06h38 - Mis à jour le 29-11-2020 à 17h03
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La saison 4 de The Crown , disponible depuis le 15 novembre sur Netflix, suscite l’ire de proches du prince Charles et de son fils William, selon les quotidiens The Daily Mail et The Express . Comme pour les saisons précédentes, le scénariste et producteur Peter Morgan entremêle faits historiques, anecdotes et fiction pour créer un (mélo) drame royal. Petit fact checking épisode par épisode (avec quelques spoilers).
Épisode 1 : Protecteur de la Reine
En 1979, Margaret Thatcher (Gillian Anderson) devient la première femme Premier ministre du Royaume-Uni (et d’Europe). L’épisode souligne les origines de la Dame de fer, issue de la middle class . Parallèlement, le prince Charles (Josh O’Connor) rencontre la jeune Diana Spencer (Emma Corrin) en marge de ses amours avec Camilla Parker-Bowles (Emerald Fennell). Le caractère fortuit de cette rencontre est romancé (dans une jolie scène). Dans les faits, celle-ci fut probablement arrangée par la famille royale qui souhaitait trouver à Charles une épouse avec le pedigree digne d’une future reine. La lettre posthume de lord Mountbatten au prince de Galles, qui critique vertement son manque de force de caractère, est pure invention.
Épisode 2 : L’Épreuve de Balmoral
Le titre fait référence à l’examen de passage tacite auquel sont soumis les Premiers ministres de la Reine et les impétrants au château de Balmoral. Tony Blair a décrit cette expérience comme "étrange, surréaliste et bizarre" . Thatcher y a échoué lamentablement. Selon son biographe Dean Palmer, ses manières obséquieuses exaspéraient la Reine (Olivia Colman). Diana réussit, elle, l’épreuve : le conseil de famille approuve l’idée d’une union avant même que les intéressés ne l’aient exprimée. Sur le fond, cela correspond aux faits. Peter Morgan s’autorise une métaphore morbide au regard de la suite : Diana devient la proie des photographes alors qu’on accroche à Balmoral un trophée de chasse.
Épisode 3 : Conte de fées
L’épisode reproduit le célèbre entretien des fiancés durant lequel Charles a une répartie malheureuse quand un journaliste les complimente sur leur amour : "Tout dépend de la définition de l’amour." Diana en fut mortifiée. Selon son biographe Andrew Morton, sa boulimie aurait débuté dans la foulée.
Épisode 4 : Les Favoris
Margaret Thatcher fond en larmes durant son audience hebdomadaire avec la Reine : son fils Mark, qui participe au rallye Paris-Dakar de 1982, est porté disparu. On sait que Thatcher a réellement perdu sa contenance en public.
Peter Morgan lie l’épisode au début de la guerre des Malouines. En réalité, Mark Thatcher a disparu en janvier 1982, alors que la violation territoriale des Argentins a débuté en mars.
L’épisode montre la Reine tenter de se rapprocher de ses enfants. Occasion de montrer Andrew (qui a effectivement servi durant la guerre des Malouines) et d’évoquer les problèmes conjugaux d’Anne (elle divorcera en 1992).
Épisode 5 : Fagan
L’épisode retrace l’intrusion dans Buckingham Palace et dans la chambre royale de Michael Fagan, un chômeur de 32 ans. Dans la série, Fagan veut éclairer la Reine sur le thatchérisme. Licence poético-politique : selon la presse de l’époque, la Reine a détourné l’attention de l’intrus en parlant de ses enfants. Selon Fagan, Sa Majesté se serait précipitée hors de sa chambre. Mais pas d’oreille attentive sur l’état du pays. L’homme a assuré à The Independent n’avoir eu aucun but précis.
Épisode 6 : Terra Nullius
L’épisode reproduit assez fidèlement la visite princière (et les robes de Diana ) en Australie, en 1983. Peter Morgan fait sienne une hypothèse avancée par la presse à l’époque , selon laquelle le spleen de la princesse s’expliquait par sa séparation de William, alors âgé de neuf mois - par opposition au détachement d’Elisabeth avec ses enfants en des circonstances similaires. On voit aussi la popularité naissante de Lady Di qui suscite la jalousie de son mari.
Épisode 7 : Le Principe héréditaire
Prototype de Diana dans les premières saisons, la princesse Margaret (Helena Bonham Carter) devient figurante - occasion d’une scène métatextuelle dans le 3e épisode lorsque Diana lui vole la vedette. Peter Morgan la remet à l’avant-plan, le temps d’une enquête sur deux obscures cousines. Katherine et Nerissa Bowes-Lyon ne sont pas une invention, mais le caractère calculé du tabou sur leur sort est sujet à interprétation .
Épisode 8 : 48 contre 1
Toute la saison souligne que la Reine n’appréciait guère Margaret Thatcher. Le point de tension aurait été atteint quand le Sunday Times répercuta les états d’âme de la Reine. La Dame de Fer aurait été blessée par l’article, au point que la Reine s’en serait personnellement excusée . L’auteur de la fuite a effectivement démissionné.
Épisode 9 : Avalanche
En 1985, Diana danse sur la scène du Royal Opera House avec Wayne Sleep. On ne sait rien de la réaction réelle de Charles à cette surprise, mais dans la série elle marque un point de non-retour. Contrairement à ce que montre la série, Charles a toujours affirmé n’avoir renoué avec Camilla qu’en 1986, après avoir eu la certitude de l’échec de son mariage et des infidélités de Diana. La fameuse avalanche a eu lieu en 1988.
Épisode 10 : Guerre
En 1990, Margaret Thatcher est poignardée dans le dos par son parti. Épisode retracé fidèlement. Le voyage officiel de Diana à New York a suscité un réel enthousiasme . L’image où on la voit prendre un enfant victime du sida dans un hôpital de Harlem reste mémorable. Dans cet épisode, Peter Morgan adopte à nouveau le point de vue unilatéral de Diana, tel que repris dans le documentaire Diana : In Her Own Words (2017). Pas étonnant que les proches des Royals trouvent cette saison so chocking .