Série sur l'affaire Wesphael: "Le parquet nous a donné l’accès à tout le dossier de l’affaire"
Il y a un an et demi, Alain Brunard était appelé par la société de production AT-Prod, lui proposant de réaliser une série de six épisodes sur l’ affaire Wesphael. La sortie de la série, ce mercredi, offre l’occasion de revenir sur les coulisses du tournage et de lui poser les questions qui nous turlupinaient.
Publié le 02-12-2020 à 11h33 - Mis à jour le 17-12-2020 à 15h11
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Comment est née cette série documentaire ?
L’idée a été lancée par Pascal Vrebos et Georges Huercano. Netflix a acheté le projet. On est allés au siège de la plateforme à Amsterdam. Là-bas, on m’a principalement demandé comment j’allais réaliser la série. Ce qui les intéressait, c’était de savoir la manière dont j’allais m’y prendre pour, notamment, mettre en scène les reconstitutions. Ils avaient très peur du côté fake, un peu toc, comme c’est le cas parfois dans certains documentaires.
Quels moyens aviez-vous pour réaliser la série ?
Ce sont des moyens nettement inférieurs à ceux qu’on peut voir sur les gros documentaires de Netflix. L’équipe était somme toute réduite. La plupart du temps, on était huit. Sinon, à la grosse louche, la série représente une soixantaine de jours de tournage, dont une cinquantaine pour interroger les gens. On a fait aussi deux jours de tournage avec des drones, principalement à Ostende et à Liège, ce qui nous permet d’avoir des moments de respiration dans la série. Comme ce n’est pas un programme original Netflix, mais une coproduction, en partie, avec RTL, les demandes sont moins draconiennes au départ. Pour le look de la série, la typographie, l’étalonnage, j’ai eu une liberté totale. Netflix a visionné les rushes, ça leur a plu et ils ont donné leur accord.
Quel est l’intérêt, selon vous, de reparler de cette affaire déjà jugée ?
Bernard Wesphael a été acquitté au bénéfice du doute. Je me suis rendu compte très rapidement, au fur et à mesure de mes rencontres, qu’énormément de gens pensent qu’il est coupable. Quand on rencontre le clan Pirotton, on comprend que leur deuil n’est pas terminé, qu’ils sont persuadés de la culpabilité de Bernard Wesphael. Le but, c’était de parvenir à démêler le vrai du faux dans tout ça, à entrer dans l’intimité de tous ces gens-là. Sur le plan psychologique, ça a un côté quand même assez fascinant.
Comment avez-vous eu accès aux pièces du dossier ?
C’est assez incroyable : le parquet nous a donné l’accès à tout le dossier de l’affaire. Dans l’épisode 3, on peut voir par exemple la reconstitution dans la chambre en détail. Ayant visionné l’intégralité des interrogatoires de Bernard Wesphael, j’ai pu vérifier la crédibilité de ce qu’il avançait. J’ai obtenu le dossier après. Je me suis rendu compte que Bernard Wesphael nous disait les mêmes choses qu’aux policiers quand il était interrogé.
Vous avez essayé de le mettre "en danger" ?
On ne l’a pas ménagé. La donne était très claire au départ. Ça ne m’intéressait pas de faire l’apologie d’un clan ou de l’autre. Le but a été vraiment d’essayer de rétablir un équilibre le plus juste possible. On a laissé la parole à tout le monde. Dans le montage, j’ai fait extrêmement attention à ce que cet équilibre soit respecté le plus possible.
Nous n’avons pu visionner que les deux premiers épisodes. Bernard Wesphael est quand même très présent, non ?
Il est présent dans le premier car il expose sa version des choses. On laisse aussi beaucoup la parole à Nadine Pirotton. Le cousin de Véronique donne aussi son point de vue. Les trois derniers épisodes sont plus techniques et consacrés au procès. On décortique vraiment en détail les événements.
Pourquoi avoir emmené Bernard Wesphael sur les lieux du drame ?
C’était intéressant sur le plan narratif. Lorsqu’on l’a rencontré la première fois, on lui a évoqué l’idée et il n’y a pas vu d’inconvénient. J’avoue avoir été très surpris au départ. On n’a pas eu accès à l’hôtel Mondo, qui ne s’appelle d’ailleurs plus comme ça. Donc, je me suis procuré une série de photos pour voir à quoi ressemblait cette chambre et j’ai demandé à une décoratrice avec qui je travaille de tenter de la recréer dans un autre hôtel. On n’est pas dans la 602 du Mondo, mais elle lui ressemble. Idem pour les plans des couloirs de l’hôtel, on est allés tourner dans un troisième établissement : le Thermae Palace à Ostende.
Nous sommes deux journalistes de "La Libre" à avoir vu les deux épisodes et à avoir trouvé cette mise en scène macabre. Comment défendez-vous ce choix ?
Je n’ai pas vraiment de défense à avoir. À partir du moment où on avait commencé à discuter avec Bernard Wesphael des différents endroits possibles où on aurait pu l’interroger. C’était aussi une idée qu’on avait vendue à Netflix au départ. On avait inscrit dans le synopsis qu’on allait, au maximum, respecter les lieux et les endroits où les choses se sont passées.
Vous publiez un cliché du corps de Véronique Pirotton dans la salle de bains, une photo de l’autopsie. Y a-t-il eu débat à ce sujet ?
Il y avait une volonté de ma part, de Georges Huercano et de Pascal Vrebos, aussi, de flouter ces images par égard pour Victor, le fils de Véronique Pirotton. Dès le départ, j’ai eu avec Nadine, sa sœur, un contact basé sur la confiance, à tel point qu’elle a accepté de me donner toute une série d’images, de films de sa sœur, de leur enfance. Ce n’était pas évident, au départ, car ils n’avaient plus envie de parler de tout ça. À partir du moment où ils se sont sentis en confiance, les choses ont été plus simples. Il y avait une volonté de clarté complète. On ne leur a rien caché. Bernard Wesphael et les Pirotton ont vu les épisodes. Les deux "clans" sont contents du travail qui a été fait.
Il n’y a pas de révélations fracassantes dans les deux premiers épisodes. Y en a-t-il par la suite ?
Il n’y a pas vraiment de révélations. Par contre, on va prendre conscience petit à petit qu’il y a une responsabilité qui doit être portée par un troisième personnage.
On pense à Oswald, l’amant de Véronique Pirotton.
Oui, oui… Il va intervenir mais c’est compliqué de vous en dire plus car sinon je dévoile trop ce qu’il va se passer. On a eu accès à une série de documents qui concernent Oswald, son ombre plane sur les épisodes qui suivent.