Une série sur l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès est en cours d’écriture
Un accord a été conclu avec Federation Entertainment, qui a notamment produit Le bureau des légendes.
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Publié le 16-01-2021 à 16h30 - Mis à jour le 21-01-2021 à 16h45
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Dans le livre dédié à Xavier Dupont de Ligonnès issu de leur enquête parue cet été dans Society, Pierre Boisson et ses coauteurs écrivent qu’un mystère comme celui-là permet d’échafauder plein de théories, dans des romans, sur Internet et dans des docu-fictions. Or, on sait désormais que leur enquête va, à son tour, faire l’objet d’une adaptation en série. Comment, dès lors, ne pas tomber, dans ce genre de théorie et les pièges qu’ils dénoncent ? En se montrant aussi vigilant sur ce qui sera tourné qu’ils l’ont été sur ce qui a été écrit.
“Après le succès des articles, cet été, on a eu beaucoup de propositions pour l’adapter et on a dit non à quasiment tout”, explique Pierre Boisson. “Mais on a conclu un partenariat avec une grande société de production française, Federation Entertainment, qui a fait Le bureau des légendes, par exemple. SoPress sera coproducteur et moi, je serai parmi l’équipe des scénaristes. À SoPress, on aime bien faire les choses nous-mêmes et c’est important d’y participer de manière active pour, justement, respecter le ton et la philosophie avec laquelle on a abordé cette histoire.”
C’est donc l’objectif en ce début 2021 puisque le scénario n’est pas encore écrit. “On va s’y mettre”, jure le journaliste et auteur. “Mais les principes qui ont régi notre enquête seront des principes que l’on appliquera dans l’écriture de la fiction. L’un d’entre eux, c’est que le personnage principal de cette histoire, ce n’est pas Xavier Dupont de Ligonnès. Pour l’instant, tout ce qui a été fait sur lui, c’est la seule personne qu’on voit. Ça reconstitue ce qui a pu se passer dans sa tête, quand il a commis les crimes. Ça, nous, ça ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c’est tout ce qu’il y a derrière lui, le décor et les personnages qui gravitent autour de lui. Ligonnès, c’est un fantôme dont la trace se perd. Donc si on veut le montrer, on invente tout parce qu’on ne sait rien. On ne va pas écrire une série sur comment et où il a fui !”
Une vie complexe et compartimentée
Parmi ceux qui “gravitent autour”, il y a notamment deux des meilleurs amis de XDDL, tous deux décédés. Ce qui ajoute du drame au drame et aussi du mystère. “Emmanuel Teneur et Michel Retif savaient sans doute des choses que l’on ne saura jamais mais ils sont partis avec leurs secrets. Ils ont eux aussi, été tués par les conséquences de l’affaire. Leurs destins sont tragiques”, analyse Pierre Boisson.
“Il y a deux choses que je trouve intéressantes dans le fait divers et dans cette affaire en particulier, c’est le hors-champ et la focale. Dupont de Ligonnès avait une vie très complexe et très compartimentée. Il touchait plein de milieux différents : le milieu versaillais, très religieux, très conservateur, de sa famille. Mais il a aussi dans ses connaissances des VRP de province qui se baladent à travers la France. En même temps, il est ami avec des garagistes un peu marlous, de la France rurale, voire trash. Il a un côté caméléon. À travers lui, on raconte différents aspects de la société”, poursuit-il. “Ensuite, dans les faits divers il y a souvent plus de victimes que celles auxquelles on pense directement. Ça peut aussi ressembler à des cauchemars pour les gens qui sont proches. Les familles sont, par ricochet, des victimes. Quand Emmanuel Teneur, son meilleur ami depuis l’adolescence et qui était amoureux de lui, a compris qu’il était un assassin, son monde s’est écroulé. Il s’est rendu compte qu’il avait bâti sa vie sur un mensonge. De la même manière quand la sœur de XDDL l’apprend, elle fait une crise cardiaque quand elle comprend la vérité. Ce sont des choses qu’il fallait tenter de comprendre et d’écrire parce que c’est passionnant ce que ça raconte sur la condition humaine.”
Pour l’heure, l’équipe ne sait pas encore qui diffusera la série. “Ce sera sans doute une plateforme mais rien n’a été signé. Les choses auxquelles on croit, c’est que ce sera une série. Et que, quel que soit le diffuseur, ce soit très ambitieux. On ne veut pas le faire avec peu de moyens et peu d’ambition.” Bref, on ne verra pas le mot “reconstitution” en haut à droite de l’écran. “C’est exactement ce que l’on ne veut pas faire !”, conclut-il en riant.
L’incroyable coup de théâtre
Le 11 octobre 2019, à 20 h 40, en Une, sur le site du Parisien, on pouvait lire “Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté ce vendredi en Écosse”. Une photo de l’intéressé, clope à la main, servait d’illustration. Quelques heures plus tard, toutefois, le 12 octobre à 17 h 13, l’article était rectifié : les tests ADN effectués à Glasgow sur l’hypothétique XDDL avaient parlé, il ne s’agissait pas de l’homme le plus recherché de France. À la fin de leur livre, Pierre Boisson et consorts évoquent ce rebondissement délirant, qui a tenu le pays en haleine pendant presque une journée.
Qu'est-ce que Pierre Boisson a pensé, à ce moment là? Y a-t-il cru une seconde? “En fait, pour être honnête, je revenais de vacances ; j’étais à Montréal. Au moment de prendre l’avion, mon téléphone se connecte sur le wi-fi de l’aéroport et je reçois… 600 messages ! “Ligonnès retrouvé”, etc. Je me dis à ce moment-là : OK, je prends l’avion et je vais direct au bureau. Dans l’avion, je n’avais plus d’informations, mais j’en ai profité pour relire toutes mes notes et je me suis dit “ Merde, toutes ces années d’enquête pour pas grand-chose”.
Mais dans cet avion, bourré de Français qui rentraient chez eux, tout le monde ne parlait que de ça. Tout le monde. " Je m’étais parfois posé la question du pourquoi je travaillais depuis si longtemps sur un sujet si sordide ; là, je me suis rendu compte que ça passionnait les gens, que c’était un vrai sujet de société. Quelques heures plus tard, quand je suis rentré, on s’est dit, tous les quatre (auteurs) qu’on se remettait un gros coup de pied aux fesses et qu’on consacrait 100 % de notre temps à boucler l’enquête. Avant, bien sûr, on travaillait dessus, mais c’était “au fil de l’eau”, on ne travaillait pas que sur ce sujet.”

Livres et docus en pagaille
Plusieurs livres sur l’affaire du quintuple meurtre ont été publiés quelques années à peine (oserait-on dire) après les faits. En 2016, Béatrice Fonteneau et Jean-Michel Laurence signent Le mystère Dupont de Ligonnès. Le livre sortira d’ailleurs au format poche un an plus tard et sous un autre titre : Sans pitié pour les siens.
Guy Hugnet propose, en 2018, L’affaire Dupont de Ligonnès. La secte et l’assassin, qui aborde un des aspects moins connu de l’affaire : l’appartenance de la mère (et d’une partie de la famille) à ce qui pourrait être assimilé à une secte. Elle serait la papesse autoproclamée d’une église luttant contre Satan (et qui aurait au passage extorqué de l’argent à ses membres, plaintes ont été déposées).
En octobre 2020, Bruno de Stabenrath, l’un de ses amis de toujours, publie L’ami impossible. Un texte sous forme d’adresse à celui qu’il juge coupable mais dont il est convaincu qu’il est toujours en vie. “Sois un homme, assume tes actes”, dit-il d’ailleurs sur un plateau de télé.
Un mois plus tard, c’est au tour de Samuel Doux de proposer un roman inspiré de l’affaire, L’éternité de Xavier Dupont de Ligonnès.
Côté écrans, les réalisations n’ont pas non plus manqué. On se souviendra notamment de Xavier Dupont de Ligonnès : dans la tête du suspect, où Erico Salamone incarnait le personnage principal. Vint ensuite Un homme ordinaire, librement adapté de la tragique histoire. Là, c’est Arnaud Ducret, dans un total contre-emploi, qui était XDDL.

Et puis, bien sûr, il y a eu cet épisode de la “série” Netflix Unsolved Mysteries, intitulé La maison de l’horreur, qui fit de Ligonnès une “star” planétaire. Des témoins l’auraient d’ailleurs reconnu à Chicago et s’en seraient ouverts à la production, en leur envoyant une photo dont la ressemblance, prétend-on, était frappante.