Avec la série "En Thérapie", Toledano et Nakache installent la France sur le divan
La première série des cinéastes Eric Toledano et Olivier Nakache est un coup de maître. Tous les jeudis à partir du 4 février, à 20h55, sur Arte.
- Publié le 01-02-2021 à 14h36
- Mis à jour le 01-02-2021 à 15h08
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"C’est le monde des mots qui crée le monde des choses", déclare le psychanalyste Lacan. Ceux qui n’ont jamais franchi la porte d’un cabinet n’auront peut-être pas saisi… Alors, qu’ils se lancent dans En thérapie ! L’adaptation par Éric Toledano et Olivier Nakache de la série israélienne BeTipul donne furieusement envie de s’allonger sur le divan. Ceux qui ont aimé In Treatment, la version américaine menée par Gabriel Byrne, apprécieront, aussi, cette cure-là, dans le silence d’une écoute protectrice et réparatrice.
Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) est un formidable psychanalyste. Son empathie et son approche thérapeutique font des miracles. Chaque semaine, il reçoit cinq patients dans son cabinet du XIe arrondissement de Paris. Mais les attentats du 13 novembre, au Bataclan, bouleversent tout. Arrivent alors dans son cabinet une chirurgienne qui vient de sauver des vies mais ignore où la conduit la sienne (Mélanie Thierry), un couple en pleine crise (Clémence Poésy et Pio Marmaï), une ado avec les deux bras dans le plâtre (Céleste Brunnquell) et un agent de la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) traumatisé par son intervention au Bataclan (Reda Kateb).
Percuté par la violence de l’attentat qui vient de se dérouler à proximité de son cabinet et par le récit de ses patients pris dans l’onde de choc, le psychanalyste se sent désarçonné. Il renoue alors avec son ancienne analyste, Esther (Carole Bouquet), qu’il avait brutalement quitté il y a plus de 10 ans…
Radiographie de la société
"Les attentats du Bataclan sont un moment collectif pour l’ensemble des Français. Nous sommes partis du principe que tout le monde savait où il était, ce soir-là, comme le jour du 11 septembre, explique Olivier Nakache. Nous racontons des histoires à partir d’un point d’ancrage. Ce point de cristallisation agit comme un déclencheur pour faire rentrer les gens, avec nous, dans la réflexion". La comédienne Carole Bouquet renchérit : "Actuellement, la privation d’une possibilité de proximité fait remonter énormément de fragilité, d’inquiétude chez chacun. La série est diffusée à un moment particulièrement pertinent, malheureusement".
Les adaptations de la série BeTipul, qui ne compte que deux saisons en Israël, connaissent une véritable dynamique au Brésil, en Italie et aux États-Unis qui vient d’annoncer une quatrième saison. "Les failles des personnages représentent les failles d’un pays. La série propose une forme de radiographie de la société à un moment donné. Ça fait partie du concept original et brillant de ‘Betipul’", analyse Olivier Nakache.
La respiration d’une vraie séance
Les cinéastes à succès, Eric Toledano et Olivier Nakache, ont ensemble réalisé sept films : Nos jours heureux, Tellement proches, Samba, Intouchables, Le sens de la fête, Hors Normes… Pour leur première série, ils se sont entourés des réalisateurs Mathieu Vadepied (La vie en grand), Pierre Salvadori (Les apprentis , Hors de prix , En liberté !) et Nicolas Pariser (Le grand jeu, Alice et le maire). Sur le tournage d’un long métrage, le nombre de minutes utiles par jour de tournage se situe entre une minute trente et deux minutes. Sur cette série, il passe à plus de vingt minutes par jour. Les séquences ont été tournées par tranche de huit minutes dans l’ordre de la narration. "Nous avons vraiment envie d’emprisonner des moments de vérité, explique Mathieu Vadepied, directeur artistique de la série. Nous travaillons par plan séquence pour atteindre une certaine émotion. Impossible de couper toutes les trois répliques ! Dans les longs plans séquences, nous essayons de retrouver la respiration d’une vraie séance. Il faut être attentif pour guetter les lapsus. Quand la langue fourche, elle apporte beaucoup de vérité."
Pour les scénarios, Olivier Nakache et Eric Toledano se sont appuyés sur les scénaristes David Elkaïm et Vincent Poymiro, créateurs d’Ainsi soient-ils, ainsi que sur Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mehtar. "Nous avons travaillé en toute liberté, atteste Olivier Nakache. Les personnages sont modélisés sur ce qui était fait à l’origine, mais ils répondent à une problématique franco-française. Le personnage de Chibane est peut-être le plus éloigné de l’original, pilote dans l’armée pour les versions israélienne et américaine. Chibane interprété par Reda Kateb raconte le parcours paradoxal de quelqu’un qui va jouer avec un ennemi qui lui ressemble."
La mise à nue
"Sur le tournage, l’équipe a presque retenu sa respiration. Il régnait un silence que l’on n’obtient pas toujours d’emblée sur un plateau, témoigne Eric Toledano. On assistait à une mise à nu dans le cabinet que je comparerais à celle de scènes plus intimes, au cinéma, avec acteurs nus, au sens physique du terme, dans une relation sexuelle. Il y avait quelque chose de troublant sur la façon dont l’équipe réagissait. Ce qui nous fait espérer que le spectateur peut vraiment avoir le sentiment de rentrer dans l’intimité des personnages."
Cette coproduction Arte France, Les Films du Poisson, Federation Entertainment et Ten Cinéma, permet à la jeune Céleste Brunnquell - nommée au César 2020 du meilleur espoir féminin pour Les Eblouis - de déployer son talent. Frédéric Pierrot (Polisse, Fiertés, qui a rencontré les réalisateurs sur Hors Normes) assume avec une vérité saisissante le rôle de psy. Mélanie Thierry joue toute sa palette émotionnelle et sensuelle. Reda Kateb incarne avec puissance et finesse un personnage complexe, en miroir. Clémence Poésy et Pio Marmaï, tel un monstre bicéphale, donnent corps à un couple en crise. Carole Bouquet explore une intériorité qui réchauffe sa stature.
"Toute rencontre (vraie) est le récit d’une annonciation. Qui annonce la vie avec la parole. Du moins ce que l’on se représente par la parole, quelque chose qui vous féconde sans vous toucher, qui nécessite d’être accueilli, emporté, qui essaime plus loin cette parole pourtant destinée à vous seul", écrit dans En cas d’amour la regrettée Anne Dufourmantelle. Dans ce geste qui a rejoint sa parole, la psychanalyste, philosophe et romancière française est morte en sauvant un enfant de la noyade.
A découvrir sur Arte.tv : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020578/en-therapie/

Qui est qui d' "En Thérapie"
Léonora et Damien (Clémence Poésy et Pio Marmaï) vivent ensemble depuis dix ans. Parents d’un fils de dix ans, ils ont longtemps essayé d’avoir un deuxième enfant. Alors que le couple avait renoncé à ce projet, Léonora tombe enceinte. Et elle songe à avorter. Dayan n’est pas expert en thérapie de couple, mais il a accepté de recevoir Léonora et Damien, enfermés dans une tension extrême.
Ariane, chirurgienne de 35 ans sans enfant, est en thérapie depuis un an avec Philippe Dayan. Son compagnon voudrait qu’ils se marient, mais elle ne se sent pas prête. Après les attentats du Bataclan, elle s’est retrouvée en première ligne à l’hôpital Saint-Antoine. De retour dans le cabinet de Dayan, en état de choc, Ariane avoue un secret qui implique son psy.
Esther a été l’analyste de Philippe Dayan et sa contrôleuse. Mariée à une sommité dans le milieu psychanalytique, elle s’est retirée depuis qu’elle est veuve. Le couple considérait Dayan comme leur successeur. Mais ce dernier a brutalement claqué la porte. Il n’a plus donné signe de vie pendant une dizaine d’années, quand Esther le voit soudain réapparaître. Dayan la presse de l’aider à trouver un nouveau sens à sa pratique thérapeutique. Elle accepte de le superviser.
Camille, 16 ans, très mature, est la fille unique d’un couple divorcé. Jeune nageuse de haut niveau, elle rêve d’être sélectionnée aux prochains Jeux Olympiques. Suite à un accident de vélo, les deux bras dans le plâtre, elle se présente au cabinet de Dayan. Son assurance réclame une expertise psychologique attestant que son accident n’est pas une tentative de suicide.
Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) est psychanalyste. Il est marié à une professeure d’université, avec qui il a trois enfants. Il exerce dans l’appartement familial qui communique avec son cabinet. Il reçoit des patients sur le divan ou en face-à-face. Son écoute, son empathie, sa pratique thérapeutique ont fait sa réputation sur la place de Paris. Mais les attentats du Bataclan qui viennent de se produire à l’automne 2015, non loin de son cabinet, ouvrent une brèche en lui.
Père de deux enfants, Adel Chibane (Reda Kateb) est policier à la BRI. Il fait partie des agents qui sont entrés dans le Bataclan le soir du 13 novembre. Depuis, il est victime de symptômes qui le dépassent et menacent sa carrière. Il se rend au cabinet de Philippe Dayan, suspicieux et soucieux d’obtenir des résultats sur-le-champ.