Premier échec en cuisine ? Premier déclic ? Rencontre avec Mory Sacko, l'enfant de la télé gastronomique
Première étoile, premier restaurant, première émission de télé, “Cuisine Ouverte”. L'interview “première fois” du chef Mory Sacko.
Publié le 27-02-2021 à 14h15 - Mis à jour le 27-02-2021 à 14h16
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Mory Sacko, chef français d’origine malienne, sixième enfant d’une fratrie de neuf, un père dans le bâtiment et une mère femme de ménage, figure parmi les cinq chefs les plus prometteurs au monde, selon La Liste, classement international des mille meilleurs restaurants au monde. “Le Meilleur jeune chef de l’année”, première étoile au Guide Michelin, vient d’ouvrir à 28 ans son premier restaurant, MoSuke, à Paris. Chaque samedi, à 20h15, sur France 3, il visite une région de France et réinterprète une recette de la gastronomie française. Première étape à Megève (Haute-Savoie).
Le premier plat dont vous vous souvenez ?
À la cantine de la maternelle, les carottes râpées étaient ma première rencontre avec un plat “occidental”. Je n’ai pas aimé.
Votre premier livre de cuisine ?
Le répertoire des saveurs, un livre de base pour toutes les bibliothèques de cuisinier. On apprend à marier les goûts et les produits. C’est mon premier partenaire de jeu. J’ai testé beaucoup d’associations à travers ce livre.
Le premier samouraï noir du Japon ?
Yasuke est un esclave africain qui a pu montrer ses compétences, qui est devenu samouraï et qui a pu défendre son nouveau clan. Pour la cuisine de mon restaurant, je cherchais les ponts culturels entre l’Afrique, le Japon et la France. J’ai découvert par hasard cette histoire magnifique de samouraï noir. MoSuke est la contraction de mon prénom et de Yasuke.
La première émotion gastronomique ?
Un foie gras poêlé à la framboise par le chef du Royal Monceau, Hans Zahner. Je n’aurais jamais pensé à une association aussi insolite.
Votre première émission “Cuisine Ouverte” ?
Elle boucle la boucle puisque c’est la télévision qui m’a donné envie de cuisiner. À la maison, le moment de partage se vivait autour de la table, pas en cuisine. Ce sont les documentaires et reportages sur l’univers de l’hôtellerie et de la restauration, au Plaza Athénée, au Ritz, qui m’ont attiré, entre les concierges, Les Clefs d’Or, qui expliquaient comment faire atterrir un hélicoptère sur le toit, les femmes de chambre et la cuisine dont j’adorais l’ambiance. Dans le travail en brigade, je voyais une vraie solidarité et une vraie passion. Cette rigueur dictée par cette envie de bien faire, m’a attiré vers ce milieu-là.
La première curiosité gastronomique ?
L’artichaut a été un véritable un ascenseur émotionnel. Je l’ai goûté pour la première fois à l’UTEC, l’école hôtelière d’Émerainville en Seine-et-Marne, près de chez moi. La texture du cœur est pratiquement celle d’une pomme de terre, avec une amertume dans le fond. Quand on arrive sur la feuille, c’est un shoot d’amertume ! J’étais assez troublé.
La première recette familiale dans votre cœur ?
Le poulet Yassa est mon plat préféré, avec le mafé que ma mère cuisine très bien.
La première fois que vous avez été choqué en cuisine ?
Quand j’ai oublié mon calot et que j’ai dû faire une journée à la plonge. Au final, c’était la règle pour tout le monde. Je suis heureux de ne pas avoir connu les ténèbres de la cuisine. Je suis passé par des maisons saines, le Royal Monceau, le Shangri-La, le Mandarin Oriental. Des chefs compétents, Hans Zahner, Christophe Moret et Thierry Marx, avaient été formés pour manager.
Votre premier échec en cuisine ?
Mes premiers légumes tournés. Je déteste cette technique de taille des légumes au couteau !
Le premier déclic ?
Hans Zahner est le premier chef qui a transformé mon amour de la cuisine en passion. Il m’a fait comprendre que si je voulais passer à un autre niveau, il fallait que je pense, que je vive, que je mange cuisine. Après mes études, j’ai envoyé mon CV à tous les palaces de Paris pour postuler comme commis de cuisine. Le Royal Monceau m’a recruté et le chef Hans Zahner m’a poussé en me responsabilisant.
Il m’a demandé un plat et j’ai dû travailler pour le construire. J’ai commencé à me renseigner sur la manière dont les chefs tels que Paul Bocuse ou Georges Blanc pensaient un plat. Et je me suis rendu compte du potentiel créatif de ce métier, du champ des possibles.
Votre première étape ?
Megève. Cuisine Ouverte s’articule autour d’un produit. Je vais à la rencontre de producteurs, d’artisans, en l’occurrence un affineur de reblochon. Puis le chef Emmanuel Renaut, qui travaille ce produit, nous montre sa recette. Ensuite, selon mes propres inspirations, je réalise ma propre recette avec un invité. Enfin, nous avons un nouvel échange avec le chef sur ma recette, dans de beaux paysages, à flanc de montagne, au bord d’un lac. C’est une émission de cuisine, de découverte d’une région et de partage en seulement 30 minutes. La productrice Catherine Barma (productrice de Frédéric Lopez, Thierry Ardisson, Laurent Ruquier, NdlR) m’a proposé de réfléchir à une émission et nous l’avons développée ensemble. France Télévisions voulait un spectre régional. Ça signifie une belle opportunité de découvrir ou de redécouvrir des produits du terroir. Et ça répondait à ma curiosité.
La première participation à “Top Chef” ?
En 2020, au moment où je voulais ouvrir mon restaurant, je me suis dit que cette émission faciliterait ma demande de prêt bancaire. Même si j’ai fini cinquième, l’émission m’a ouvert beaucoup de portes et a provoqué un déclic. Elle a facilité le rayonnement médiatique et m’a beaucoup apporté dans la manière dont je construis une assiette.
Votre première rencontre avec le Japon ?
Vers 7 ans, quand j’ai commencé à regarder les mangas, notamment dans Le club Dorothée. Les personnages passaient leur temps à manger. À force de les regarder, j’ai voulu goûter la cuisine japonaise et j’ai adoré ce que je dégustais. Au Japon, comme en France, la culture et la cuisine à sont intimement liées. C’est ce qui a nourri ma passion pour la culture japonaise.
Le premier repas dans un palace ?
Quand je travaillais au Royal Monceau, j’en ai profité pour m’offrir un brunch comme client. J’ai adoré l’opulence, la qualité de service, le souci du détail poussé à son maximum, la qualité des produits, la déco de la table...
La première critique gastronomique positive ?
Avant d’ouvrir mon restaurant, j’ai fait des services à blanc. Les clients, mes amis et ma famille, donnaient leurs retours sur le service et la cuisine.