"Il faut donner de soi aux patients, pas seulement leur apporter une poignée de médicaments"
Oliver Sacks, biographie d’un médecin et conteur / Arte, 22h40
- Publié le 27-03-2021 à 20h25
- Mis à jour le 27-03-2021 à 20h26
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C’est un portrait de médecin hors norme que nous livre le documentariste américain Ric Burns. Un médecin qui avoue avoir été accro aux amphétamines. Ils sont rares ces soignants qui racontent leurs faiblesses, leurs limites, comme si leur humanité, leurs fêlures, les empêchaient de prendre soin de l’autre. Le neurologue Oliver Sacks s’en vanterait presque dans cette biographie filmée quelques mois avant sa mort, en 2015.
Le médecin, atteint d’un cancer, se sait condamné. Son portrait éclairé par son propre témoignage, par ses archives personnelles, par les récits de ses amis, patients et confrères, vaut pour exemple. Il a même reçu le Prix du public au Festival International du Film de Palm Springs 2020.
Un frère schizophrène
Oliver Sacks naît à Londres en 1933, dans une famille de médecins, dans un milieu juif orthodoxe. À 15 ans, son frère Michael est diagnostiqué schizophrène. Le jeune Oliver a très peur pour son frère et pour lui-même. Pourrait-il souffrir de cette maladie, lui aussi ? Pour endiguer cette angoisse, pour se protéger de son frère autant que pour l’étudier, il installe alors son laboratoire dans la maison. Oliver est happé par la compassion à l’égard de son frère. Dans le même temps, il cherche à garder ses distances pour ne pas être aspiré "par le chaos et la séduction" qu’il lui inspire. Le monde de la science sera son garde-fou. Sa passion pour la chimie et la classification périodique des éléments symboliseront "l’ordre, la stabilité, mais aussi l’imagination et le mystère."
Écrivain, toxicomane et neurologue
À la fois conteur, écrivain et chercheur, mû par un sens du récit et une forme de légèreté, Oliver Sacks se livre sur sa difficulté à être homosexuel dans le Londres des années 1950. Il part alors étudier en Californie pour y vivre libre, devient toxicomane et neurologue en même temps. Au jour de l’An de 1965, il prend conscience devant un miroir que la mort le guette. Au début de l’année 1966, il cherche un psychanalyste qui l’exhorte à renoncer à la drogue. En février 1967, il fait un dernier trip et entame une psychanalyse qui durera près de cinquante ans.
En 1983, un collègue lui propose de de co-animer un séminaire consacré à l’agnosie, à cette incapacité de reconnaître quoi que ce soit, y compris les visages. Il pense à l’un de ses patients, professeur de musique, et rédige son histoire dans L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau.
Ce recueil de contes cliniques touche de nombreux lecteurs. En décrivant les cas cliniques rencontrés au cours de sa carrière, Oliver Sacks donne toute leur place à des patients ostracisés, atteints d’autisme, du syndrome de Gilles de la Tourette, de la maladie de Parkinson… Autant de pathologies neurologiques et d’affections étranges qui défigurent un être.
Une longue étude sur l’empathie
Mais le médecin est capable, lui, de prendre en compte l’être humain dans son intégralité, corps et âme. Il fait de l’empathie pour ses patients une formidable voie d’étude, de connaissance et de guérison. Co-producteur de ce documentaire, Arte offre ce soir un joyeux testament, un hymne plein de gratitude à la vie, à l’amour, à la sensibilité, bref, un hymne à la santé.