Quelques gouttes de chaleur dans un océan de malheur
Ce film tourné à Bruxelles est disponible sur la plateforme de TV5Monde.
Publié le 06-05-2021 à 20h30 - Mis à jour le 07-05-2021 à 11h50
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Combien de fois passons-nous à côté d’eux sans savoir vraiment quoi faire pour les aider à part tendre quelques pièces et esquisser un timide sourire ? Sous la douche, le ciel , le documentaire d’Effi et Amir (Effi Weiss and Amir Borenstein), peut nous donner des idées. Les deux artistes visuels ont en effet choisi d’évoquer la "problématique" du sans-abrisme en suivant pendant cinq ans une bande de joyeux drilles.
Des citoyens bénévoles qui ont décidé de créer, grâce à des fonds exclusivement privés, l’ASBL DoucheFlux. Le but : mettre sur pied un centre de jour pour personnes en situation précaire à Bruxelles destiné à permettre aux SDF de se laver, et de bénéficier de quelques gouttes de chaleur dans un océan de malheur.
Joue-la comme Kafka
L’originalité de ce documentaire réside, d’abord, dans son suspense. Durant 85 minutes, on suit de l’intérieur la longue lutte de ces bénévoles englués dans une situation qui rappelle Le Château de Kafka. Entre les papiers qui n’arrivent jamais, les mécènes et les entrepreneurs qui lâchent le projet, les allers-retours sans fin avec l’administration et autres joyeusetés.
On assiste aux scènes de joie quand tout roule et aux nombreux moments de galère lorsque tout s’écroule. Quelques situations sont empreintes d’absurdité. Notamment lorsque les bénévoles apprennent que des rumeurs circulent autour de leur projet. Pour certains, DoucheFlux ne servirait, finalement, qu’à cacher un bordel…
Même crise de rire (jaune) quand la commission de concertation pour les permis d’urbanisme d’Anderlecht décide de voter "une abstention générale" au moment de se prononcer sur leur demande.
On s’attache à ces personnages altruistes. À commencer par Laurent d’Ursel, comte et artiste excentrique, certes parfois maladroit, un peu fatigant, mais doté d’un humour ravageur et d’une opiniâtreté sans faille pour défendre sa cause.
Parmi les bénévoles, il y a aussi Chris Aertsen, une femme très touchante, évoquant ce qui l’a poussée à s’impliquer dans ce projet. Sa maman bipolaire, aujourd’hui décédée, aurait pu finir SDF si elle n’avait pas eu son père. Beaucoup de personnes à la rue souffriraient, d’ailleurs, de maladies mentales.
Pierre, ancien journaliste
Des sans-abri sont aussi interrogés dans ce film. On rencontre Pierre, ancien journaliste pendant vingt-deux ans, qui tente d’expliquer comment il s’est retrouvé à la rue. Il raconte sa désociabilisation très rapide et sa lutte contre l’alcoolisme. Pour tenter de s’en sortir, il a décidé de continuer à écrire. "Je deviendrais fou si je ne pouvais pas dire ce que je pense", explique-t-il. Comme d’autres, Pierre participe, à ce propos, à La Voix de la rue sur Radio Panik, émission donnant justement la parole aux plus précaires.
Grâce à une réalisation sobre, mais innovante (notamment de longs plans récurrents sur les toits et le ciel de Bruxelles, des interviews réalisées dans des salles de bains mettant tout le monde sur un pied d’égalité…), Effi et Amir parviennent à parler de ce sujet lourd de manière originale, avec humanité, sans jugement, ni pathos.
"Sous la douche, le ciel" est à voir sur la plateforme TV5Mondeplus : https://www.tv5mondeplus.com/