Vincent Langendries, nouveau commentateur des Diables: "Ce n’était pas une vocation de faire passer ma tête à la télé"
À 52 ans, Vincent Langendries commente les Diables rouges comme titulaire avec Philippe Albert.
Publié le 11-06-2021 à 17h47 - Mis à jour le 25-06-2021 à 13h40
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Une chemise bleue, un jean coupe droite, des baskets noires. Lorsqu’il se plante devant nous et en tendant le poing pour un "check", Vincent Langendries ressemble davantage à gars "normal" qu’à une star de la petite lucarne. Le nouveau commentateur attitré des Diables sur la RTBF n’est pas du genre à faire des vagues, ni à parader le buste levé dans les couloirs de Reyers. Un bonjour par-ci, un signe de tête ici-bas. Cette politesse n’est pas affichée uniquement parce qu’on est là. "Il se comporte avec tout le monde de la même façon. Que tu sois une petite main ou un chef de renom", avait prévenu, la veille, un ancien assistant de la RTBF chargé de noter les time codes durant les matchs pour faciliter les montages. "Je crois que je suis quelqu’un de normal et d’attentif aux autres. Ça vient de mon éducation. Le dialogue, l’écoute, le respect de l’autre, ça a toujours été, pour moi, des valeurs primordiales dans la vie. Quoi qu’on fasse, qui qu’on devienne. Je pense que je le dois à mes parents, le fait d’être comme cela", assure Vincent Langendries, masqué, dans le patio radio de la Rtébé.
Fils d’homme politique
Félicitations à Jacqueline, sa maman, restée à la maison pour s’occuper de ses trois rejetons. Olivier a 47 ans et travaille dans le secteur bancaire ; Benoît, dix de moins, bosse à l’aéroport de Charleroi. Le père, lui, a été instituteur pendant quelques années, avant de changer de voie et d’endosser une brillante carrière politique au sein du parti centriste. Le C.V. de Raymond Langendries ? Bourgmestre de Tubize pendant dix-huit ans, député fédéral, sénateur, président de la Chambre, parlementaire européen, ministre de la Fonction publique et, enfin, ministre d’État. Un père dont il se dit "admiratif", évidemment souvent absent, mais qui a toujours su s’accorder des moments de qualité avec ses enfants. L’aîné a longtemps tu leur lien de parenté dans le milieu par peur d’être catalogué en tant que "fils de". "Roger Laboureur, avec qui j’ai travaillé à mes débuts, a mis quelques années avant de comprendre de qui j’étais le fils. Quand il l’a appris, il était très étonné que je n’en ai jamais fait état. ‘Mais attends, t’imagines, on a ici le fils du premier personnage de l’État’, car à l’époque mon père était président de la Chambre…", imite-il en rigolant avant de la jouer plus sérieux. "Mon père n’est jamais intervenu pour qu’on puisse bénéficier de passe-droits. Quand les gens le savent, c’est perçu négativement. Du genre : ‘Ah oui, on sait pourquoi tu es là…’ Ça m’est rarement revenu, mais beaucoup de personnes ont sans doute dû y penser."
Vincent Langendries a posé un premier pied à la RTBF, en 1991, par le biais d’un stage à la fin de ses études d’info-com’ à l’ULB. Un poste d’assistant en télé s’est libéré. On lui en a parlé. Le Tubizien ne s’est pas posé de question au moment de descendre d’un étage pour aller toquer à la porte du chef de la rédac. "Revenez dimanche." Une première pige bookée qui en a appelé des centaines d’autres, avant de signer son premier CDI, huit ans plus tard, et de ne jamais repartir. Il ne l’aurait jamais prédit, assure-t-il. "Je n’ai pas commencé mes études en me disant : un jour, je serai journaliste. Je n’ai jamais rêvé de commenter les matchs. Je n’avais pas l’idée de faire de la radio ou de la télé. Absolument pas. C’est de la chance, des opportunités, des rencontres. Ce n’était pas du tout quelque chose auquel j’étais prédestiné. Ce n’était pas une vocation de faire passer ma tête à la télé."
L’AFC Tubize, plus qu’un club
Le sport, en revanche, l’était. Surtout le football. Dès sa plus tendre enfance, Vincent Langendries vibre devant la Coupe du monde 1978 en Argentine, collectionne religieusement les vignettes Panini, rejoue les matchs dans le jardin avec ses frangins et enfile, à 10 ans, le maillot de l’AFC Tubize, où il va évoluer jusqu’à ses 25 printemps. En parallèle, il assiste, plus tard, aux exploits de son père, président, qui parvient à réaliser son rêve de faire grimper le club brabançon : de la P3 à la Division 1. "J’ai vécu l’histoire de l’AFC Tubize de très près. Quand je n’étais pas engagé à la RTBF, j’ai travaillé dans le club, participé modestement à sa construction en tant que secrétaire général. J’ai été à une table de négociations avec des joueurs de foot à un modeste niveau pour discuter de contrats, trancher de la politique sportive, c’était enrichissant. Si je n’avais pas été journaliste sportif, je me serais peut-être dirigé vers ça. Mais c’est un travail de fou, dirigeant de club."
Sur le bord des terrains du stade Leburton, il a, aussi, croisé la route de Thierry Hazard. Pas le papa du " Jer k ", mais celui de trois cracks : Thorgan, Kylian et Eden. Formateur au club, il a, d’ailleurs, entraîné son fils, Romain Langendries, jeune journaliste sportif. Vincent est très proche du capitaine des Diables. Le joueur du Real lui a même offert son trophée d’homme du match contre la Hongrie à l’Euro 2016. Les deux Brainois - Eden Hazard est originaire de Braine-le-Comte, Vincent Langendries y habite - ont, aussi, partagé une vidéo commune sur les réseaux sociaux le soir du quart magique face au Brésil. Comment parvient-il, dès lors, à garder une distance journalistique ? "Ce n’est pas parce qu’on se fait un clin d’œil et qu’on se serre la main que, lorsque l’interview démarre, on ne fait pas son boulot, se défend-il. C’est important de poser les bonnes questions, c’est notre crédibilité qui est en jeu. Une fois que la caméra s’allume, je suis le journaliste, tout simplement."
En trente ans, Vincent Langendries a presque tout fait. Chauffeur pour un copain pigiste sur les routes du Tour de France, présentateur du magazine À Bicyclette pendant des années, reporter et commentateur des plus beaux événements sportifs internationaux. En vrac, le succès olympique de Nafissatou Thiam aux JO de Rio, le podium sur 400 mètres des frères Borlée aux championnats d’Europe à Berlin, cinq Euros et six Coupes du monde de football. Pour son douzième tournoi majeur, cet été, il a donc été titularisé au poste tant convoité de commentateur attitré des Diables à la place de Rodrigo Beenkens, "son ami", "cantonné" à la Petite Reine. "C’est un choix d’entreprise, je n’étais demandeur de rien, il le sait. Le rôle qui m’est confié est un rôle de commentateur des Diables à l’Euro. Et puis, après l’été, on verra bien. Il n’y a rien de décidé."
1,6 million de commentateurs
Pendant le tournoi, ce gros bûcheur risque évidemment de se faire régulièrement juger. Il sait éperdument qu’il ne pourra pas faire l’unanimité. Ne comptez pas sur lui pour tenir compte des critiques gratuites, stresser sous le poids de sa responsabilité et des audiences exceptionnelles (1,6 million de personnes avaient suivi la demie France - Belgique sur la RTBF), changer de style, préparer ses "punchlines", surjouer ou copier. Ce qui ne l’empêche pas de louer le travail des plus grands professionnels qu’il a écoutés ou côtoyés. Il cite Luc Varenne ("le pape du commentaire sportif en radio") et son successeur Jean Duriau. En télé, Roger Laboureur ("inimitable dans sa manière de décrire"), Frank Baudoncq ("une plume incroyable") ou encore les toujours actifs Rodrigo Beenkens et Marc Delire. Entre autres.
On évoque, de notre côté, nos "madeleines" indélébiles footballistiques françaises. "On peut mourir tranquille, le plus tard possible, mais on peut", de Thierry Roland en 1998 ; "Vas-y mon petit", de feu l’excellent Thierry Gilardi, en 2006, suite à un rush de Franck Ribéry ; "Second poteau, Pavaaaard…", de Grégoire Margotton avant la frappe folle en lucarne du latéral des bleus en 2018. "Et moi, est-ce que je vais faire vibrer ?" se demande-t-il, tout haut, juste avant de nous quitter. Réponse, au plus tard, le 11 juillet, pour savoir si la performance des Diables et ses commentaires à la volée resteront gravés à jamais.