Jim Morrison, la fin d’un Américain à Paris
Olivier Monssens se penche sur les derniers jours du leader des Doors. Arte, 22 h 25 ; La Trois, 23 h 45.
Publié le 01-07-2021 à 19h47 - Mis à jour le 02-07-2021 à 10h57
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Le 3 juillet 1971, Jim Morrison est décédé à 27 ans. Au même âge que Jimi Hendrix, Janis Joplin, Kurt Cobain, Amy Winehouse ou encore Brian Jones. Pour commémorer les cinquante ans du décès du "Roi Lézard", Arte programme une soirée spéciale avec un documentaire narré par Johnny Depp (When You’re Strange à 23 h 20), un concert du groupe de L.A. à l’île de Wight (00 h 45), précédés par Jim Morrison, derniers jours à Paris (dès 22 h 25). Entretien avec le réalisateur belge Olivier Monssens (Marcel Superstar , Disco Europe Express, High Energy - le disco survolté des années 80…) pour parler de son docu de 52 minutes diffusé ce soir sur Arte (22 h 25), rediffusé sur La Trois (23 h 45) et disponible sur Arte.tv et Auvio.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la fin de vie de Jim Morrison ?
Dans mes films, j’aime explorer les recoins inusités d’une certaine pop-culture. Et puis, ce qui m’intéresse autant que la musique dont je parle, et parfois plus, c’est l’histoire humaine qui se trouve derrière. Ici, avec Jim Morrison, derniers jours à Paris, l’idée n’était pas de faire un documentaire biopic sur Jim Morrison mais un doc sur ses derniers jours dans la capitale française. D’investiguer la face peu connue de ce personnage pourtant très connu. Quel homme a-t-il voulu devenir en quittant les États-Unis ? Quel homme est-il devenu, au final, à Paris ? En étudiant ce personnage, en interrogeant des gens qui l’ont rencontré, je me suis senti proche de lui, et j’ai eu envie de le défendre.
Les Doors ont connu un succès fulgurant. Le chanteur l’a vécu difficilement. À Paris, il a pu se balader quasiment incognito dans les clubs et les restos… Nous étions dans une autre ère médiatique, mais le fait de le découvrir anonyme est assez surprenant, non ?
Oui, c’est difficile à croire. D’abord, ce que les témoins de l’époque m’ont raconté, c’était que, si les groupes se trouvaient ensemble dans la rue, c’était l’hystérie. En solo, par contre, les gens ne faisaient pas attention. Même Mick Jagger… Mais ce qui rendait Jim Morrison encore plus "anonyme", pour le grand public en tout cas, c’est qu’il avait énormément bu les années précédentes. Et, quand il arrive, il a grossi et s’est laissé pousser la barbe. Une façon là encore de se fondre dans la foule. La notoriété, ce n’était vraiment pas ce qu’il recherchait. Mais il a aussi choisi de venir à Paris parce qu’il était, au fond, poète depuis toujours. C’était un homme de culture. Il lisait beaucoup de littérature française. Son but était de se connecter à tous les héros littéraires et poétiques qu’il avait lus. Et puis, il connaissait Agnès Varda et Jacques Demy, rencontrés à Los Angeles quelques années plus tôt.
Vous interrogez d’ailleurs leur fille : Rosalie Varda-Demy. Elle raconte que Jim Morrison s’était gentiment rendu à son goûter d’anniversaire, durant lequel il aurait fini quasiment en coma éthylique. Cette dernière a-t-elle facilement accepté de se souvenir de lui ?
J’ai quand même dû la convaincre de participer au film. Ça faisait longtemps qu’elle ne voulait plus parler de tout cela. Souvent, on caricature un peu trop facilement Jim Morrison. Alors, oui, il était alcoolique et ça l’a perdu. Mais elle a accepté d’en parler pour rappeler que c’était aussi quelqu’un de sensible et, dans ses moments d’éclaircie, de joyeux, qui aimait la vie. Dans ma narration, j’ai voulu qu’on n’oublie pas ce Jim Morrison-là.
Selon la version officielle, Jim Morrison serait mort dans sa baignoire d’une crise cardiaque. Plusieurs de vos interlocuteurs parlent d’une overdose d’héroïne dans un club parisien. Le corps aurait été déplacé dans la baignoire par après. C’est compliqué de connaître la vérité cinquante plus tard ?
Jim Morrison a pris beaucoup de drogue, mais n’avait jamais touché à l’héroïne. Il est désormais avéré que c’est en allant chercher de l’héroïne pour sa compagne, Pamela Courson, qu’il aurait fait une overdose dans les toilettes du Rock’n’Roll Circus. C’est Sam Bernett, le patron du club, qui l’a découvert. On peut toujours dire qu’il ment, mais il n’est pas le seul à évoquer cette version. Marianne Faithfull a reconnu plus tard dans une interview le rôle de son petit ami de l’époque (le dealer aristocrate Jean de Breteuil, Ndlr). Robby Krieger, le guitariste des Doors, a lui aussi reconnu que, lorsque Bill Siddons, le manager du groupe, est revenu aux USA, il leur avait dit que Jim Morrison était mort dans une boîte à Paris. Quant à la façon dont le corps a été ramené dans la nuit jusqu’à l’appartement où Jim vivait avec Pamela, son amoureuse, on est prudents. Je n’étais pas là et ceux qui y étaient ne sont plus en vie.
Son enterrement a été on ne peut plus intimiste… Ils n’étaient que cinq (Pamela Courson, Bill Siddons, Robin Wertle, Alain Ronay et Agnès Varda) ?
Agnès Varda et Alain Ronay, son ami franco-américain, ont tout fait pour que l’information ne sorte pas à ce moment-là. L’information a été rendue officielle après l’enterrement. Mais les médias nationaux en France n’en ont pas fait grand cas. Les journaux rock en ont parlé davantage mais avec retard à cause des délais de bouclage. Aux États-Unis, la "grande" presse en a davantage parlé.
Le père du leader des Doors était amiral dans la Navy. Il a même mené la flotte américaine lors de "l’incident" du golfe du Tonkin, prélude à la guerre du Vietnam. Sans surprise, ce n’était pas la grande complicité entre les deux ?
Jim s’est toujours fighté avec son père, et ce dès l’enfance. Il était rétif à l’autorité, et, comme son père était militaire, ça n’a jamais marché entre eux. En pleine guerre du Vietnam, Morrison était un révolutionnaire dans les mots, une icône contre-culturelle, opposé à la guerre. C’était une situation assez paradoxale. Et que la voix de Jim Morrison se retrouve sur dans Apocalypse Now, avec "The End", c’est une espèce de clin d’œil de Francis Ford Coppola qui est assez bien vu, et très touchant avec le recul.