Edouard Philippe, Matignon ou l’exercice harassant du pouvoir
Documentaire : Edouard, mon pote de droite. Aux manettes / Dimanche sur France 5, 20h50.
Publié le 01-07-2021 à 15h12 - Mis à jour le 04-07-2021 à 08h53
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Le titre de ce documentaire pourrait paraître anecdotique. Il n’en est rien. C’est effectivement avec le ton décontracté qui sied au vieux pote de lycée que Laurent Cibien consacre une série documentaire à Edouard Philippe. Pour ce troisième volet (après la mairie du Havre et l’UMP), le journaliste est venu à la rencontre de son camarade, pour un entretien une fois par mois à Matignon, au cours des trois années durant lesquelles il a occupé le poste de Premier ministre.
Adrénaline et langage corporel
Le tutoiement est de mise. Le franc-parler aussi. Face à Laurent Cibien, on perçoit très rapidement, derrière la figure du pouvoir, un homme aux affaires, régulièrement en prise au doute et au questionnement face à l’ampleur de la tâche. Un homme politique, certes, fidèle à Emmanuel Macron, mais un homme surinvesti, déterminé, qui bien que boosté par l’adrénaline, "en intraveineuse", apparaît de plus en plus marqué, physiquement, par les coups, les batailles, la nécessité permanente de prendre des décisions, de trancher ou de tenter de maintenir l’équilibre. "En ce moment, je ne prends aucune bonne décision. J’ai le choix entre des mauvaises. Et il y en a d’autres qui sont plus mauvaises encore", concède l’ex-Premier ministre le 20 mai 2020, à la veille du premier déconfinement.
Au fil de ces quasi trois heures de film, captivantes, croustillantes, consacrées à la difficulté de gouverner en temps de crise (les Gilets Jaunes, la démission de Nicolas Hulot, la réforme des retraites, la crise sanitaire…), Edouard Philippe aborde ces conversations comme des "oasis". Il se pose, bon gré mal gré, pour analyser chaque situation périlleuse, commenter ses prises de décision, et livrer, par instants, quelques états d’âme. Laurent Cibien le bouscule souvent, adopte la posture du "gauchiste" pour titiller son pote de droite, et sait observer aussi, les silences, le langage corporel, les rares mouvements d’humeur, même s’ils sont contrôlés, caméra oblige.
Ce documentaire ouvre une porte inédite sur les coulisses du pouvoir. Le ballet des voitures dans la cour de l’hôtel Matignon, rue de Varenne, la tranquillité paradoxale du parc arboré, l’immuabilité des ors de la République qui tranchent avec l’agitation du cabinet d’Edouard Philippe, les repas pris sur un coin de bureau, les bribes de conversation volées avec ses conseillers politiques, la préparation d’entretiens télé… Laurent Cibien a accumulé une matière inestimable. Par le truchement d’un montage habile, il place enfin l’actualité en train de s’écrire, les archives télé, radio ou de presse écrite, les réactions du peuple, en regard de la réalité de ceux qui nous gouvernent. Avec un décalage quelques fois saisissant.