Quand les journalistes belges sont menacés sur le terrain : "Ce qui s’est passé aux Pays-Bas n’est pas un cas unique"
Plusieurs journalistes belges ont fait l’objet de menaces ou d’agressions violentes.
Publié le 09-07-2021 à 06h49 - Mis à jour le 09-07-2021 à 06h52
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La société est-elle devenue plus violente qu’autrefois ? On serait tenté de le croire en observant le nombre de personnes qui font l’objet d’une protection particulière ou rapprochée dans notre pays.
D’après les chiffres fournis par le Centre de crise, il y avait, fin janvier de cette année, 73 dossiers ouverts au sujet de personnes pour lesquelles des mesures de sécurité spécifiques étaient nécessaires. C’est deux fois plus qu’il y a quatre ans ! Des personnalités politiques, des magistrats et des journalistes… En Belgique aussi, journaliste est un métier à risques !
Grand reporter, tout juste retraité après 36 ans passés à sillonner le monde pour le JT de RTL-TVI, Jean-Pierre Martin a couvert plusieurs conflits meurtriers aux quatre coins de la planète. Proche-Orient, guerre en Irak, génocide au Rwanda… C’est pourtant en Belgique, à Molenbeek plus précisément, qu’il a été - pour la seule fois de sa carrière - agressé physiquement dans le cadre de son travail. "Nous étions allés sonner chez un membre de la famille d’un des terroristes des attentats de Paris" raconte-t-il. Après les avoir menacés verbalement, deux hommes sortent dans la rue et rouent de coups le journaliste et son caméraman.
Cet épisode traumatisant témoigne, selon lui, de la difficulté croissante qu’il y a, à exercer ce métier. "Ce qui s’est passé aux Pays-Bas n’est pas un cas unique, poursuit Jean-Pierre Martin. À Malte déjà, une journaliste a été assassinée parce qu’elle enquêtait sur des cas de corruption." Enquêter pour révéler des informations utiles au public, c’est parfois mettre sa propre vie en danger.
Visage bien connu des téléspectateurs de la RTBF, Jean-Claude Defossé s’est fait beaucoup d’ennemis au cours de sa carrière, ce qui lui a valu son lot d’insultes et d’intimidation de la part de personnages pas toujours recommandables. L’un d’entre eux, l’ancien président du Front national belge, ira jusqu’à déclarer publiquement "j’aurais sa peau" à la suite d’un reportage diffusé en 2004, menace qui sera prise très au sérieux par la RTBF. "Cela m’a valu des patrouilles de police devant chez moi et un numéro de téléphone que je pouvais joindre en cas de pépin, se souvient Jean-Claude Defossé. Mais cette histoire n’a pas été plus loin et heureusement pour moi, je ne me suis jamais fait casser la gueule, même si ça n’aurait sans doute pas déplu à certains."
Grande figure de RTL pour qui elle a couvert tous les grands dossiers judiciaires du pays, Dominique Demoulin a, quant à elle, subi de véritables menaces de mort qui ont duré plusieurs semaines. C’était dans les années 1990, à l’époque de l’enquête sur l’assassinat d’André Cools. Un témoin anonyme, rémunéré plusieurs millions de francs, venait de faire des révélations clés dans le cadre de ce dossier. Parce qu’elle entama des démarches pour l’identifier, la journaliste fît l’objet de menaces téléphoniques sur sa ligne privée, lui conseillant de manière très insistante de cesser de s’intéresser au sujet. "Les appels étaient passés via des routeurs situés à l’étranger, qui empêchaient d’identifier la provenance, explique-t-elle. Ceux qui m’appelaient semblaient connaître mes habitudes, et notamment l’endroit où je garais ma voiture le soir. Ils me disaient de faire attention quand je prendrai le volant."
La journaliste prévient la police et gare sa voiture à un autre endroit pendant quelques mois. Elle ne fait pas l’objet d’une protection particulière mais évite tout de même, pendant quelque temps, de creuser davantage le sujet en question. Les événements de mardi, forcément, réveillent de mauvais souvenirs. "J’ai été terriblement choquée par ce qui est arrivé aux Pays-Bas. Cette violence contre des journalistes, c’est la liberté de la presse qui est menacée", dit-elle.