Le jour où Jacques Pradel a "relancé" l’affaire Émile Louis dans "Perdu de vue"
Le journaliste français débarque sur RTL-TVI (13 h 45) dans "Histoires de familles".
Publié le 31-08-2021 à 15h44
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/PIZGUPVKRBDITB42HEMFPSVXOI.jpg)
Quasi vingt-cinq années ont passé, mais il n'y a qu'à fermer les yeux pour nous offrir un plongeon vertigineux dans les années 90. Cette réminiscence n'est pas due à une rencontre avec le "Doc" de Retour vers le futur ou à un croc lâché dans une madeleine façon Marcel Proust, mais à la voix douce de Jacques Pradel dans nos oreilles. Le journaliste, ancien présentateur de l'émission Perdu de vue sur TF1, passe, aujourd'hui, la frontière. Le but : évoquer les affaires judiciaires dans l'émission Histoires de familles, nouveau magazine programmé par RTL-TVI l'après-midi.
Pourquoi avoir choisi de venir travailler en Belgique pour "Histoires de familles" ?
C’est une proposition de l’équipe de production de l’émission. Ils avaient besoin "d’experts" pour décrypter ces histoires. J’ai été un peu surpris au départ. Pourquoi moi ? D’habitude, je ne donne jamais mon avis à la télé ou à la radio, j’essaie d’être le plus objectif possible. Mais quand on s’intéresse aux affaires criminelles, on a aussi un point de vue. L’enquête a-t-elle été bien faite, ou pas ? Ce qui m’a intéressé, c’est le fait que cela me mette dans une position que je n’ai jamais incarné. Je sors de la neutralité. Je n’en profiterai pas pour régler des comptes, ni pour pérorer. Je vais parler surtout de ce que je connais : les histoires françaises. On n’a pas encore déterminé tous les détails, mais je serai présent au moins une fois par semaine au minimum. J’ai assisté à un enregistrement et je trouve ça passionnant.
Dans "L’heure du crime", sur RTL, en France, votre style était sobre. C’est important pour vous de ne pas tomber dans le scabreux ?
Le côté malsain, ce n'est pas ce que j'ai mis en avant et eux (les membres de l'équipe de production, NdlR) non plus. Le but, c'est de tenter d'expliquer comment quelqu'un d'assez banal, d'ordinaire, passe à l'acte. Souvent, c'est passionnant.
Vous aviez lancé "Perdu de vue", dans les années 90, une émission d’appel à témoins qui tournait, déjà, autour des histoires familiales.
On était au cœur des histoires familiales qui n’étaient pas criminelles. Même si certaines l’étaient, on s’en est aperçus vingt ans après. Un jour, tout un village loue un bus pour venir sur le plateau lancer un appel à leur meilleur copain qui était le patron d’un restaurant et qui a disparu brutalement. On n’a pas de retours et j’oublie complètement l’info. Et puis, il y a cinq, six ans, à peu près, j’apprends qu’un homme avait racheté le restaurant, fait des travaux à la cave et qu’il avait retrouvé des ossements dans un puits. On a vérifié, c’étaient les siens. C’était bien un crime.
S’il y a bien une affaire criminelle que vous connaissez bien, c’est l’affaire Émile Louis…
C'est une histoire énorme pour moi et ça n'arrive qu'une fois dans la vie d'un journaliste… À l'époque, en 1995, j'étais donc à la tête de Perdu de vue qui n'était pas, au départ, une émission criminelle. Pierre Monnoir, le président d'une association de défense des handicapés du département de l'Yonne, est venu me voir pour dire : "Quatre filles de la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, qui gérait l'aide sociale à l'enfance, NdlR) ont disparu. Tout le monde s'en fout. La justice n'a pas fait d'enquête. Les gendarmes ne font rien. Est-ce que vous m'accueilleriez pour lancer un appel ?" Je ne connaissais rien du tout. J'envoie, alors, un journaliste de l'équipe sur le terrain et huit jours après, il me rappelle en disant : "Tu m'as parlé de quatre filles, moi j'en ai sept." Il a rencontré le gendarme Christian Jambert qui nous a ouvert son rapport, dont la justice n'a pas tenu compte. Les familles se sont, alors, réunies en association, mais ils n'ont pas trouvé un seul avocat dans l'Yonne qui avait accepté de porter la plainte. Nous avons trouvé l'avocat Pierre Gonzalez de Gaspard qui a eu l'intelligence de porter plainte non pas pour crime, car c'était prescrit, mais pour enlèvements et séquestrations. C'est cette affaire qui m'a emmené vers Témoin numéro 1 et ainsi de suite jusqu'à l'émission Café crimes (Europe 1) et L'heure du crime sur RTL.
Depuis 2020, vous avez quitté RTL en France. Vous n’aviez pas envie de décrocher ?
Je n'avais pas décidé de quitter RTL. J'avais décidé de tourner la page de l'émission que je fais depuis dix ans. Parce que le rythme, quotidien, est compliqué. Je voulais trouver un autre terrain de jeu et ils ne l'ont pas pris comme ça, peu importe. Je continue d'être la voix de l'émission Chroniques criminelles sur TFX depuis de longues années. J'ai créé une collection appelée immodestement Collection Jacques Pradel (JPO). Je fais quelques papiers pour la presse qui me permettent de continuer à cultiver la passion. Je ne me suis pas ennuyé du tout. Comme je suis toujours passionné, ça me plaît finalement de pouvoir, de temps en temps, évoquer des affaires criminelles.
Vous avez fait vos débuts chez Europe 1. Comment voyez-vous les changements qui s’opèrent au sein de la station ?
J’ai commencé comme veilleur de nuit et secrétaire de rédaction quand j’étais étudiant. C’était ma station comme celle de toute la jeunesse de l’époque. C’était la station "Mai 68", c’était la station moderne. Je suis très triste de ce qui se passe. Il y a une fatalité qui pèse sur cette station. Les directions successives se conduisent très mal avec les collaborateurs. J’ai gardé pas mal d’amis. Il y a des talents et des gens formidables.