"Happiness", l’excellente série d’Arte qui montre la vie des jeunes en Iran
La belle jeunesse de Téhéran est présentée dans une fiction entraînante. Sur arte.tv, YouTube et l’Insta d’Arte.
- Publié le 23-09-2021 à 11h48
- Mis à jour le 23-09-2021 à 11h49
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À dix-sept ans, Shadi désobéit. La jeune Iranienne refuse de suivre sa mère qui prépare leur émigration vers la France. Shadi préfère partir vers le sud du pays, à la recherche de son père. Dans sa fugue, elle entraîne sa meilleure amie, le cousin de cette dernière et un bel inconnu pour un road movie initiatique. En persan, "Shadi" veut dire "bonheur".
Après le succès de @teh_run (2017), la précédente série Instagram du jeune réalisateur téhéranais, Pouria Takavar, Arte coproduit Happiness . De passage à Paris, le co-auteur de cette websérie de 15X6', Yashar Alishenas, qui réside à Stockholm, raconte la genèse de ce road-movie drôle, touchant et léger en Iran.
Pourrions-nous croiser vos quatre personnages dans les rues de Téhéran ?
Absolument ! L’Iran est un très grand pays à l’intérieur duquel coexistent de nombreuses vies différentes. C’est une série réaliste basée sur des personnages existants. Une partie de la société est très influencée par la culture européenne, occidentale, par la globalisation en général. Nous avions envie de montrer cet aspect de l’Iran sous un régime très religieux et traditionaliste. L’ironie, c’est que des jeunes gens à la fois occidentalisés et iraniens vivent dans ce pays-là. Nous avons essayé de dramatiser toutes ces contradictions dans ce pays un peu fou.
Sont-ils représentatifs des milieux aisés téhéranais ?
Dans le nord de Téhéran, les familles sont plus aisées, plus occidentalisées que dans le Sud plus traditionaliste et religieux. Dans le cinéma iranien, les réalisateurs classiques s’intéressent davantage aux gens modestes, aux familles de la région du Sud qui n’est pas très urbanisée. C’était important de donner une voix à ces jeunes que l’on ne voit pas beaucoup au cinéma, dans les séries. Pouria et moi avons voulu donner à ces jeunes une forme de représentation.
Êtes-vous issus de ce milieu-là ?
C’est un monde très proche de nous, à cette différence près que Pouria vit vraiment là-bas. Je suis né en Iran, mais je suis rapidement parti en Suède. Mon père est prof de mathématiques et ma mère, dentiste, a lancé son entreprise. Le père de Pouria est réalisateur et sa mère productrice de films. Sa famille est plus jeune que la mienne. Dans les années 1980, ma famille a fui l’Iran. C’était une époque très difficile avec la guerre, la consolidation de la théocratie. La série traite un peu de ce sujet : faut-il partir ou non ?
Cette websérie pourrait se dérouler à Brooklyn, Bruxelles ou Paris. Comment avez-vous panaché les sensibilités orientales et occidentales du récit ?
C’est un processus organique, une combinaison de gens. Pouria est iranien, je viens d’une famille un peu occidentale, laïque, et les producteurs de La Onda Productions sont français. Nous voulions juste mettre en scène les problèmes quotidiens d’une jeune fille de façon très honnête et très claire. Dans le film, elle veut vivre en Iran et sa mère ne le veut pas. La plupart des films iraniens se focalisent sur la mère, la vie de la mère, le monde de la mère. Nous voulions juste voir ce qui se passe avec une jeune fille dont la mère a ce problème.
C’est une fiction générationnelle.
Une fiction sur la jeunesse des Iraniens, c’est rare sur les écrans. Pouria Takavar est né en 1995. Il est âgé de 26 ans. En Europe, nous sommes habitués à voir les œuvres de jeunes réalisateurs. En Iran, c’est différent. La grande majorité des réalisateurs de films et de séries iraniens n’ont pas cet âge-là.
Du fait de la censure, de la pandémie, le tournage s’est-il compliqué ?
C’était tellement compliqué, que je suis presque surpris que la série existe aujourd’hui ! Mais grâce à Arte et au producteur, nous avons réussi. D’abord, nous avons dû travailler à distance. Pouria en Iran, le producteur en France et en Suède, avec des allers-retours en Allemagne pour la production et moi-même. Puis la pandémie est arrivée et nous avons tout de même tourné. Enfin, il y a eu la censure. En Iran, les règles sont strictes. Il est impossible d’écrire des scènes avec des femmes sans voile. C’est pour cela qu’il y a très peu de scènes en intérieur, juste entre les amis. Parce qu’il n’est pas imaginable que les deux amies portent un voile dans la maison. Mais tout s’est bien passé, Pouria connaît très bien toutes ces contraintes.
Une seconde saison est-elle prévue ?
Nous l’espérons, mais rien n’est confirmé. La série focalise son regard sur une partie de la société iranienne qui n’est pas forcément représentée dans ce grand pays, très isolé. Offrir ce regard-là aux Européens, c’est l’idée de la série.
Sur le compte Instagram arte_asuivre, les Européens pourront donc suivre les 15 épisodes de 6 minutes.
Le compte créé par Arte n’est pas géobloqué. Les Iraniens pourront aussi la regarder.