Jérémy Gillet : "Sam envoie balader toutes les conventions"
Le jeune acteur belge salue la fluidité de son personnage dans "Mytho". Arte, à 20h55.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/8a33b855-d2e1-4a40-803f-1b37cad5d373.png)
Publié le 07-10-2021 à 06h55 - Mis à jour le 07-10-2021 à 08h40
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/6NOXJK5VURH3NDQSV4K6DSJ6KY.jpg)
Netflix a fait de la représentation LGBTQI + l’un des marqueurs créatifs de ses séries, mais la plateforme de streaming n’est pas la seule à se pencher sur cette question, bien au contraire. De plus en plus de séries accueillent une plus grande diversité de représentations de genres et de relations au sein de leur casting, permettant à des franges plus grandes de jeunes de se sentir vus et écoutés. Deux des principales préoccupations lors du passage à l’âge adulte.
Si la plupart des séries actuelles se montrent plus inclusives et intègrent cette nécessaire diversité, encore faut-il voir comment la réalité queer y est abordée. L'importance pour la communauté LGBTQI + n'est pas d'être identifiable dans les séries mais bien de montrer que "la vie et les problèmes des personnages queers ressemblent à ceux de toutes les personnes hétérosexuelles" : trouver un travail, un appartement, l'amour, fonder ou non une famille… Dans la galaxie des rôles plus inclusifs, l'apparition du personnage de Sam dans la série Mytho , sur Arte en 2019, a été une excellente nouvelle pour la fiction française. Enfin un adolescent qui s'assume pleinement dans sa différence et sa singularité, tout en étant dopé par le charisme du jeune comédien belge Jérémy Gillet. Autant de bonnes raisons de discuter avec le jeune acteur.
Liberté, inclusivité, fluidité
"J'ai beaucoup aimé retrouver Sam avec tout ce qu'il y avait autour de lui : coiffure, maquillage, bijoux, etc. J'aime ce look, la façon dont on l'a imaginé. Tout ce que Sam a mis en place pour plaire à Renan", redoutable pervers narcissique qui l'attire plus que de raison. Ce thème de l'emprise affective ne concerne pas uniquement l'adolescent, mais aussi ses deux sœurs, qui font l'objet de toute l'attention de l'étrange voisine (Catherine Mouchet) et de sa secte. Idem pour Patrick (Mathieu Demy), convoité par l'amie qui lui veut du bien.
"Dans cette saison 2, on retrouve tous les personnages à un point très différent dans leur vie et leur évolution. C’est très jouissif à jouer, surtout quand il y a une telle transformation physique au cours de la saison et qu’on tourne des épisodes très différents dans la même journée. C’est passionnant à explorer, cette relation toxique dont Sam n’est pas conscient. En même temps, c’est compliqué car il ne faut pas le conscientiser et, surtout, ne jamais se sentir plus intelligent que son personnage. Dans cette saison 2, le plus grand défi est de faire de Sam un parent car plus que jamais les enfants prennent le relais des parents qui se conduisent comme de vrais gamins. Surtout le père (Mathieu Demy). Cela va de pair avec le fait que Sam est plus assuré de qui il est. Il ne se pose plus vraiment de questions."
Ce flou initial autour de Sam a séduit Jérémy Gillet. "Il y a eu beaucoup de questions sur son identité de genre et sur une éventuelle transphobie alors que Sam n'est pas trans et n'a jamais été genré au féminin. Il a toujours été présenté comme un garçon gender fluid. J'aime beaucoup que, dans la saison 2, Sam a un look très construit et envoie balader toutes les conventions. Peut-être qu'en saison 1 cette identité de genre volontairement floue était, au départ, trop subtile."
Ni transidentité ni androgynie
"Anne (Berest) et Fabrice (Gobert) ont écrit un personnage qui n'est pas une femme trans ou un homme androgyne, qui n'est pas spécialement non binaire. Sam reste volontairement flou parce que c'est ce dans quoi il se sent le plus à l'aise. On n'a pas l'habitude de voir des personnages comme celui-là à la télévision francophone." Cela a entraîné pas mal de réactions sur les réseaux sociaux. "Chacun projette ce qu'il veut sur Sam, c'est pour cela qu'il est aussi attachant. Plein de gens l'aiment pour des raisons différentes", note Jérémy Gillet.
Difficile à créer en saison 1, l'acteur a facilement retrouvé son personnage en saison 2. "C'est compliqué au début parce qu'on aime les étiquettes. On dit de Sam qu'il est sensible parce qu'il dit ce qu'il ressent et qu'il est très sincère, mais ce sont des étiquettes mentales."
Montrer son évolution et incarner un personnage qui défend cette idée de fluidité, malgré lui, était très important pour le comédien.
"J'adore que l'on puisse réfléchir à cette fluidité de genre avec un personnage au sujet duquel il n'y a même pas de discussion. Dans la famille de Sam, ce n'est ni un problème ni un sujet, encore moins dans cette saison 2." Tout le monde vit avec Sam tel qu'il est…
"Aujourd'hui, il n'y a plus rien qui le ramène à cette question du genre. C'est devenu une base du personnage pour créer quelque chose de plus, un destin évocateur. Sam continue à avancer." Comme il le fera sûrement lors de la saison 3.
Comédien, un inaccessible rêve ?
Par son ton et sa thématique (l'affirmation de soi), Mytho a été une série très importante pour Jérémy Gillet, qui a fêté ses 18 ans sur le tournage de la saison 1 et a obtenu son diplôme (CESS) à la même période, à grand renfort de trajets Thalys quotidiens.
S'il s'est autant investi dans ce premier long tournage, qui l'a fait connaître du grand public, c'est parce qu'il caressait ce rêve d'acteur depuis longtemps. "Je voulais faire ce métier depuis mes 7 ans, mais cela restait un rêve inaccessible. J'avais le projet de devenir journaliste pour la presse écrite, de partir à Paris et d'être acteur sur le côté. J'ai tout fait pour commencer à travailler vers 16-17 ans. Aujourd'hui, je peux en vivre et j'espère que cela restera comme ça."
Des débuts dans le métier obtenus au "culot" en s'inscrivant "sur tous les sites de castings possibles et imaginables, les newsletters, tous les groupes Facebook de casting. J'envoyais entre 400 et 500 mails par jour, j'y passais quatre heures par jour. Pendant plusieurs mois, je n'ai rien lâché. Au bout de quelques mois, quand j'ai reçu une réponse positive, c'était super parce que je ne me souvenais même plus de tous les mails que j'avais envoyés". Atelier avec un directeur de casting à Paris, rencontre avec une agent qui le fait travailler et participer à quelques castings, Jérémy Gillet suit le parcours classique de l'aspirant comédien.
"Le projet d’études de journalisme, c’était pour rassurer mes parents, pour avoir un filet de sécurité. J’ai toujours su que j’habiterais à Paris très vite puisqu’il y a plus de travail là-bas."
Ce qui ne l'empêche pas d'espérer avoir d'autres tournages en Belgique. "Pour être rassuré et savoir que je travaille suffisamment pour en vivre, je devais passer par Paris. Aujourd'hui, je serais prêt à revenir vivre en Belgique, mais ce n'était pas le cas avant. Je suis dans le fichier des directeurs de casting belges, s'ils ont besoin de moi, ils savent que je répondrai…" Ce fut déjà le cas l'an dernier pour la série Invisible de la RTBF.
Entre séries et cinéma
Jérémy Gillet tourne en ce moment le nouveau film d'Olivier Peyon tiré du roman de Philippe Besson Arrête avec tes mensonges aux côtés de Guillaume de Tonquedec. Il tournera également en octobre une série décalée pour la plateforme de Canal +. "Une dystopie dans le monde du porno des années 2000. C'est très excitant, j'ai très hâte."
Il a tourné au printemps L'Île aux trente cercueils, une série "pour France 2, avec Virginie Ledoyen, Charles Berling, Dominique Pinon, Martine Chevallier, une adaptation d'un des romans de Maurice Leblanc où Lupin est le moins présent." À découvrir prochainement.
Mensonges ou vérité ? Itinéraire d’une charmante “mytho”
Ouh, la menteuse…Elvira (Marina Hands), mère de trois enfants au bord du burn out parental et croulant sous la charge mentale, découvre que sa famille change complètement d’attitude en apprenant qu’elle est potentiellement atteinte d’un cancer. Trop heureuse de ce regain d’attention, elle s’enfonce dans le mensonge jusqu’à la déflagration finale de la saison 1… Une dramédie familiale mise en scène avec beaucoup d’humour et de rythme par le duo Anne Berest (scénariste) et Fabrice Gobert (réalisateur) pour Arte. La “farce énorme” n’est pas restée sans conséquence. En ce début de saison 2, on retrouve Elvira bien décidée à suivre le destin de sa famille, même de loin…
Ils sont amoureux… Après la question du mensonge, la saison 2 affronte vaillamment celle de la vérité. Une vérité qui n’est, bien sûr, pas toujours bonne à dire, mais qui est sans doute la meilleure alliée de Sam, alias Jérémy Gillet, limpide quant à ses intentions et à ses sentiments vis-a-vis de ses amis, ses amours ou ses parents. Le jeune adulte se révèle très soucieux de vivre en accord avec ce qu’il croit juste et bon. Sam est de loin le personnage le plus attachant de cette série qui, après une saison 1 au parfum de comédie loufoque, s’enfonce dans la tragédie sous couvert d’humour noir volontiers absurde.
Nouveaux horizons ? Une saison 3 est déjà sur les rails. “Je n’ai rien lu, donc je ne sais pas où on va aller. On m’a donné deux, trois informations sans plus.” Le tournage devrait commencer au printemps. “On voulait sortir la saison 2 un an après la saison 1, mais le Covid nous en a empêchés. Pour la saison 3, on a envie de prendre notre revanche. Ils ont commencé l’écriture il y a un petit moment”, confie le comédien Jérémy Gillet.