Sade, l’allié des femmes ?

Les 120 journées de Sodome sont définitivement entrées dans la postérité. La Bibliothèque nationale de France vient de faire l'acquisition de ce manuscrit, l'un des plus chers de ses collections. L'État avait lancé un appel au mécénat d'entreprise en vue de cette acquisition de 4,55 millions euros. Confectionné par Sade lui-même, le rouleau est constitué de 33 bandes collées bout à bout, s'étalant sur plus de 12 mètres de long, écrites recto verso sous cette forme pour être dissimulé.

Sadomasochisme

Ce soir, les écrivains Annie Le Brun, Gérard Macé et Chantal Thomas, récemment élue à l'Académie française, les philosophes Michel Onfray et Raphaël Enthoven, l'un de ses descendants, Thibault de Sade, Anne Kessler de la Comédie-Française, la chorégraphe Marie-Claude Pietragalla, l'artiste Simon Liberati, l'auteure Abnousse Shalmani, l'avocat Emmanuel Pierrat racontent chacun, à leur manière, le libertin et le libertaire. Mais à la fin du XIXe siècle, les médecins psychiatres voyaient plutôt dans ses écrits un catalogue de pathologies qu'ils essayaient de décrire. "Krafft-Ebing érige le sadisme et son antonyme le masochisme en symptômes combinés d'une perversion sexuelle dont la satisfaction est obtenue par la douleur et l'humiliation infligées à autrui ou reçues par lui", résume Gérard Oppenheim dans L'Information psychiatre, revue clinique et professionnelle du psychiatre.

Délit de blasphème

Le comte Donatien Alphonse François de Sade, dit le marquis de Sade, se marie à 23 ans avec une riche aristocrate. En même temps, il se sent libre et se revendique libertin. En 1768, un scandale éclate. Il amène Rose Keller dans l’une de ses garçonnières. Elle est fouettée plusieurs fois par Sade qui l’oblige à blasphémer. Or, c’était un week-end de Pâques. La jeune femme s’échappe et porte plainte, prétextant que Sade l’aurait tailladée avec une lame de couteau et aurait rempli ses plaies de cire. Le marquis est condamné. Puis il se compromet dans une nouvelle affaire. Accusé de sodomie, il est condamné à mort. Il ne se reconnaît pas de tort et devient fugitif. D’autres affaires éclatent et, en 1777, il est finalement arrêté et emmené au donjon de Vincennes à la demande de sa belle-mère. Pas de procès, pas de condamnation. Il passera 27 ans, plus d’un tiers de sa vie, enfermé en prison et dans un asile d’aliénés.

La fidèle épouse

Son épouse l’aura défendu et aura même dépensé beaucoup d’argent pour acheter le silence de certains. À Vincennes puis à la Bastille, il lui demande des citrons qu’il utilise comme encre sympathique pour tromper la surveillance de ses geôliers. Il lui réclame aussi des godemichés et autres objets sexuels.

Pour tenter de comprendre la violence de Sade, il faudra se souvenir de son enfance. Fils unique, il est confié à son père, ouvertement libertin, et aux adultes, au rang desquels un oncle prêtre, lettré, ami de Voltaire et libertin assumé. Très tôt, l’enfant aurait été spectateur de scènes de sexualité violente.

Enfermé à l’asile de Charenton, de 1802 à 1814, il vit ses dernières années dans un hospice pour aliénés. Là, il réalisera l’un de ses rêves, devenir dramaturge. Il fera jouer ses pièces par des comédiens castés au sein même de l’asile. Tout Paris y court.

Si le documentaire questionne chacun d'entre nous, il n'aura pas épuisé le mystère de l'homme dont il est rappelé les dernières volontés rédigées quelques années avant sa mort à l'asile, à l'âge de 74 ans : "… La fosse une fois recouverte, il sera semé dessus des glands, afin que par la suite le terrain de ladite fosse se trouvant regarni, et le taillis se retrouvant fourré comme il l'était auparavant, les traces de ma tombe disparaissent de dessus la surface de la terre, comme je me flatte que ma mémoire s'effacera de l'esprit des hommes."