Coupée de la vie, l’humanité périra

Comme venu d'un paradis perdu dont il aurait été déchu, le photographe Yann Arthus-Bertrand se raconte un peu dans ce documentaire réalisé sous forme de testament. Legacy, notre héritage porte un constat amer sur notre Terre, un mea culpa aussi et une énième alerte avant de graves dérèglements climatiques.

Pour étayer son propos, Yann Arthus-Bertrand s’appuie sur des images d’une grande beauté, des images vues du ciel qui ont fait sa spécificité, et sur des chiffres balancés comme des bombes. S’il n’innove pas, le réalisateur se montre plus grave, et le message est plus urgent. Nous sommes en train de supprimer tout ce qui n’est pas humain sur la Terre selon le WWF. En 50 ans, nous aurions perdu près de 70 % du vivant : mammifères, poissons, oiseaux, amphibiens, reptiles.

Tous menacés d’extinction

Le photographe demande de regarder la vérité en face, les yeux grand ouverts, et prend l’arbre en exemple. Véritable centrale énergétique solaire et pompe à eau, c’est lui qui produit de l’oxygène et le terreau de nos vies. Pour l’humanité, entrée dans la démesure, il s’agira de trouver l’énergie pour perdurer. Il a été calculé qu’un litre de pétrole est l’équivalent énergétique du travail de cent personnes pendant toute une journée.

Or, la production de pétrole dépasse maintenant quinze milliards de litres par jour, soit l’équivalent de l’énergie de la force physique de plus de deux cents fois tous les habitants de la planète. La finance internationale encourage le recours aux énergies fossiles. Les banques prêtent, avec intérêt, plus de six cents milliards de dollars chaque année aux entreprises qui explorent de nouvelles réserves de combustibles fossiles. Guérir la finance de son addiction au charbon, au pétrole et au gaz, inventer de nouveaux modèles de finance au service de la planète, font partie des défis à relever selon le photographe.

La vraie crise migratoire

Le documentaire évoque aussi le réchauffement du permafrost qui couvre un cinquième de la surface terrestre. Ces immenses étendues sauvages de sol gelé toute l'année sur plusieurs mètres de profondeur ont piégé des quantités incalculables de méthane. Ce gaz est près de trente fois plus réchauffant que le CO₂. En relâchant ce gaz dans l'atmosphère, quand il fond, ce permafrost accélère donc sa propre fonte, "une véritable bombe climatique". L'Onu prévoit 250 millions de réfugiés climatiques en 2050. La vraie crise migratoire n'aurait donc pas encore commencé.

Déjà, l’agriculture prend une étrange tournure. En Floride, on amène des abeilles par camion pour polliniser. La Chine se livre à l’élevage intensif de porcs dans des porcheries en hauteur qui ressemblent à des barres d’immeubles. Terrible vision d’un monde coupé de la vie .

En 40 ans, la consommation de viande dans le monde a triplé, rappelle ce documentaire. Un hectare cultivé peut nourrir deux carnivores et permet l’alimentation de cinquante végétariens. Plus de cent milliards d’animaux sont abattus chaque année pour leur viande, un milliard rien qu’en France.

Intelligence et esprit de coopération

Alors, le photographe nous exhorte à "décarboner" nos vies par tous les moyens, en diminuant notre consommation de pétrole, de charbon et de gaz cachés partout : dans notre nourriture, nos vêtements, nos déplacements, nos maisons. Tout ce que nous consommons au quotidien est chargé de pétrole, de carbone. L'énergie qui nous a rendus si puissants, si riches, est en train de nous tuer. Mais l'être humain possède deux avantages essentiels pour trouver les solutions : son intelligence et son esprit de coopération. "La seule énergie durable, c'est l'amour", offre comme ultime solution Yann Arthus-Bertrand.Virginie Roussel