Des situations déstabilisantes, parfois violentes: trois jeunes avocates pro deo racontent leur quotidien auprès des cas désespérés
Trois jeunes avocates du barreau de Bruxelles héroïnes d’une série docu.
- Publié le 25-11-2021 à 15h41
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Avocat pro deo, c'est la justice des cas désespérés, de ceux qui n'ont pas les moyens de se défendre. C'est une vie d'adrénaline et d'engagement racontée de l'intérieur par trois jeunes avocates au barreau de Bruxelles. Trois professionnelles lumineuses et volontaires confrontées à des situations particulièrement déstabilisantes, parfois violentes : Lucie Petre, 29 ans, avocate depuis cinq ans ; Laura Davidt, 27 ans, avocate depuis quatre ans ; Alison Adrienssens, 28 ans, avocate depuis trois ans. Chacune est portée par une histoire singulière qu'elle raconte en toute fin de la série Commises d'office .
Alison, qui a côtoyé le Bureau d’aide juridique (BAJ) où travaille sa mère, s’occupe avec Laura d’affaires pénales et familiales. Laura est avocate le jour et musicienne de nuit. Alison est une jeune maman. Lucie, spécialisée en droit de la jeunesse, s’investit beaucoup dans la défense des mineurs et leurs conditions de détention. Elle est aussi très investie en milieu psychiatrique.
Ces trois avocates plaident sans agressivité, ni ironie, avec une maturité impressionnante tandis qu’elles défendent des clients dont elles n’approuvent pas toujours les faits et gestes : violences conjugales, placements d’enfants, hospitalisations forcées en hôpital psychiatrique, délits… Leur personnalité et leur engagement soulignent la noblesse du métier d’avocat. Ses limites aussi.
"Avocate pro deo veut dire que vous ne savez pas sur quelle affaire vous allez tomber. Vous devez jongler avec toutes, répondre au pied levé, souvent sans connaître le client, ce qui l'a conduit là, être prête à le défendre, trouver la meilleure stratégie et faire preuve de beaucoup d'humanité face à des gens en détresse", résume Anne Schiltz.
Commises d'office est un remake belge de la série française. À l'initiative de la RTBF, la réalisation a été confiée à la société de production belge Eklektik et à deux réalisatrices, l'une luxembourgeoise, Anne Schiltz, l'autre belge, Charlotte Grégoire. En 2020, toutes deux ont réalisé une première web-série documentaire, Première vague, pour la RTBF Auvio, avec un collectif de cinéastes. Le sujet devrait faire l'objet d'un long métrage documentaire à partir de ce journal de bord où des soignants parlaient quotidiennement de leur vécu, de leurs émotions durant le premier confinement.
Anne Schiltz et Charlotte Grégoire se sont rencontrées lors de leurs études d'anthropologie. Aucune n'a fait d'études de journalisme. Depuis vingt ans, elles travaillent ensemble. "Le regard que l'on pose sur nos sujets est encore marqué par cette formation. L'anthropologie, c'est s'immerger dans un univers que l'on ne connaît pas a priori, rencontrer les gens, leurs pratiques, leurs croyances, passer du temps avec eux, créer des liens plus denses."
L’incertitude
Le tournage de Commises d'office s'est fait au jour le jour, en fonction de l'agenda des trois avocates, de leurs permanences, des visites en centre de détention pour mineurs, en hôpital psychiatrique, en prison et dans les tribunaux et salles d'audience du palais de justice de Bruxelles. "I l nous fallait aussi obtenir des autorisations. Nous n'étions jamais sûres de pouvoir tourner la séquence que nous avions prévue, parfois même quelques heures seulement avant la prise", ajoute Charlotte Grégoire.
Au fil des auditions, malgré le dévouement des avocates, l'écoute des magistrats, le destin des prévenus en situation très défavorisée semble joué d'avance. "Nous avons rencontré des professionnels qui déploient énormément d'énergie pour faire avancer les choses, mais il y a des cas désespérants, confie Anne Schiltz. On connaît pertinemment la raison pour laquelle le prévenu est là. Les problèmes de société dépassent de loin les réponses que le cadre légal peut aujourd'hui fournir à ces personnes. Les moyens déployés pourraient servir à d'autres infrastructures, à l'éducation, pour prévenir." Charlotte Grégoire précise : "Les avocats pro deo doivent courir derrière les clients pour prouver qu'ils remplissent les conditions qui leur permettront de profiter de l'aide juridique. C'est très lourd administrativement, ça prend beaucoup de temps aux avocats." Un temps qui file à vive allure tout au long de cette série de huit épisodes de dix minutes, entre prises de conscience et jugements rendus sur le fil du rasoir.