Flaubert, esprit organique
Documentaire. "Sur les traces de Flaubert"/ France 5, à 20h50
- Publié le 05-12-2021 à 09h43
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"Que je crève comme un chien plutôt que de hâter d'une seconde la phrase qui n'est pas mûre." Gustave Flaubert, corps dévorant et jouisseur fidèle à son ascèse littéraire, un homme et un écrivain que François Busnel nous fait aimer et nous aide à mieux comprendre. Dans ce documentaire réalisé avec Adrien Soland, Sur les traces de Flaubert, l'animateur de La Grande Librairie se met en scène, dans son intérieur, avant de laisser toute leur place aux amoureux et connaisseurs de l'écrivain.
Obsédé par la mort
L'intérêt du portrait tient au regard de ceux qui l'éclairent avec passion et précision. Parmi eux : Ivan Leclerc, directeur du Centre Flaubert du laboratoire CÉRÉdI (Centre d'études et de recherche éditer/interpréter), à Rouen ; Marie-Hélène Lafon, écrivaine, lauréate de nombreux prix littéraires ; Alexandre Postel, professeur de lettres et écrivain, Goncourt du premier roman, auteur d'Un automne avec Flaubert chez Gallimard ; Céline Coulon, romancière, nouvelliste, poétesse récompensée ; Michelle Perrot, remarquable historienne dont une grande partie de l'œuvre a été réunie dans la collection "Bouquins".
Dans sa correspondance avec Louise Colet, son grand amour et sa muse, Flaubert écrit : "Je n'ai jamais vu un enfant sans penser qu'il viendrait un vieillard ni un berceau sans songer à une tombe. La contemplation d'une femme nue me fait rêver à son squelette."
Cette vision peu commune viendrait, peut-être, de ce que son père était chirurgien. Les premières femmes nues que Flaubert a vues étaient sur la table de dissection.
"Madame Bovary, c’est moi !"
En 1850, Flaubert est âgé de 29 ans. Il se lance dans l'écriture de Madame Bovary, écrit tous les jours pendant cinq ans à raison de 10 à 14 heures de travail chaque jour, parfois de nuit. Il peine au point qu'il ne s'accorde plus aucune promenade et ne se baigne plus dans la Seine, lui qui adore nager : "Mon ardeur à la besogne frise l'aliénation mentale. Avant-hier, j'ai fait une journée de 18 heures !". Sujet au lyrisme, il se surveille, cherche le mot juste, la phrase parfaite : "Je persécute les métaphores, et bannis à outrance les analyses morales."
Pendant qu’il écrit l’agonie d’Emma, il part aux toilettes vomir. Telle était son empathie avec son personnage. Par celles qui le sondent, ce soir, Flaubert est ainsi perçu comme profondément féministe. Il a compris la domination masculine, ce qui ne l’empêche pas lui-même de dominer les femmes, d’aller au bordel. Mais, en tout cas, cela ne le rend pas tout complice des représentations dominantes de l’époque.
Madame Bovary serait une icône féministe, une des premières héroïnes tout à fait consciente de son plaisir, de son désir et de son ambition personnelle au XIXe siècle, soulignent écrivaines et historienne. De fait, quand le livre paraît, Flaubert est poursuivi pour outrage à la morale publique, outrage à la morale religieuse et outrage aux bonnes mœurs.
Son vieux compagnon
Flaubert connaîtra de belles amitiés, essentielles, avec Georges Sand, Guy de Maupassant… Mais c’est avec sa mère qu’il aura vécu, l’appelant "son vieux compagnon". Sa mère qui est aussi sa banquière, l’entretient. Cette relation fusionnelle est matérialisée par le fait qu’ils ont élevé ensemble un enfant, une nièce. Le 8 mai 1880, Flaubert disparaît alors qu’il s’était préparé à partir en voyage. La malle était faite.