Il est où, le bonheur? Pas sur les réseaux sociaux
La case "Doc Shot" programme "Happy, la dictature du bonheur sur les réseaux sociaux". La Une, à 22 h 15.
Publié le 09-12-2021 à 07h12 - Mis à jour le 09-12-2021 à 08h15
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Les inventeurs des réseaux sociaux ont longtemps fait croire que leur technologie servait à se rencontrer et à partager. Dans les faits, ceux-ci provoquent aussi des effets pervers, renvoyant à une solitude profonde et mortifère. Pourquoi passer autant de temps sur Facebook, Instagram, Snapchat… ? Parce qu’ils répondent à une quête terrible et insatiable de reconnaissance. Et plutôt que de se montrer tel que l’on est, ces plateformes nous poussent à nous inventer une vie, heureuse, idéale.
Briller plutôt que partager
L'invention du "like" déclenche aussi un mécanisme physiologique de dépendance. Le petit pouce en l'air ou le petit cœur qui s'affiche stimule dans le cerveau la molécule responsable du plaisir appelée dopamine. "Le fait de liker active des régions cérébrales impliquées dans le circuit de la récompense qui est le circuit clé qui joue un rôle dans les addictions, explique Mickael Naassila, professeur en neurosciences. Plus vous en libérez, plus vous ressentez des effets plaisants. On comprend mieux pourquoi ça donne envie d'y retourner, de répéter ce comportement."
Pour obtenir l'approbation des autres via ces "pouces" et ces "cœurs" affichés, et donc asseoir leur popularité sur les réseaux sociaux, les utilisateurs n'hésitent pas à utiliser des filtres, à se mettre en scène, à mentir. Cette culture de ce qui brille, certains l'ont appelée le self branding ou le personal branding, autrement dit le marketing de soi-même ou le marketing personnel.
Chacun devient une marque dont la vocation est d’exister dans le regard de l’autre. Cette dérive conduit à des "burn out digitaux" à force de vouloir être cet autre idéalisé. Et une nouvelle catégorie de dépendants apparaît : les addicts aux réseaux sociaux. Une jeune fille qui passe des heures à se maquiller avoue son mal-être. Un jeune homme de 21 ans témoigne de ce glissement progressif et infernal dans cet espace qui pousse à être aimé pour une image et non pas tout simplement pour ce que l’on peut être, penser, créer. Un jeune homme, en Angleterre, raconte sa tentative de suicide.
Les pathologies de ce bonheur-là
"Le bonheur numérique est une invention. C'est l'idée qu'au fond l'être humain va mal et donc on va lui proposer un espace où il va être heureux. Un espace où il va pouvoir s'épanouir, avoir des relations faciles, où finalement il va être valorisé. Et donc, au fond, on pourrait se dire que plus l'être humain est malheureux dans sa propre vie, plus il va rechercher dans les réseaux sociaux un bonheur qui n'a pas forcément d'effet dans la vie réelle", explique le psychanalyste Michaël Stora.
Les jeunes plus vulnérables
Dans Happy, la dictature du bonheur sur les réseaux sociaux qui mêle témoignages et analyses, les adolescents, grands consommateurs de réseaux sociaux, apparaissent comme des proies de choix. Deux adolescentes racontent leur enfermement dans ce monde idéalisé et l'envie suscitée par le look des autres utilisatrices qu'elles cherchent à imiter, en vain.
Un docteur en intelligence artificielle a travaillé sur l’algorithme de YouTube. Il montre comment cette technologie permet d’exploiter nos vulnérabilités. En l’occurrence, l’algorithme en question va repérer les vidéos de maquillage pour enfants plutôt que pour adultes parce que les enfants, hypnotisés, passent plus de temps que leurs aînés devant ces images.
Ces audiences sont alors profitables pour démarcher des annonceurs. D’utilité publique, le documentaire d’Élisa Jadot montre comment les réseaux sociaux imposent insidieusement à chacun une exigence de bonheur. Aujourd’hui, il est avéré que beaucoup de pathologies sont liées à la dictature de ce bonheur-là.