Réalisatrices de documentaires, vers une parité sur Arte
Arte recrute et dévoile de nouveaux talents via son concours "Et pourtant, elles tournent".
Publié le 11-12-2021 à 21h26 - Mis à jour le 11-12-2021 à 21h29
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Arte diffuse les courts-métrages documentaires lauréats de la première édition du concours "Et pourtant, elles tournent", lors de deux soirées spéciales les 15 et 16 décembre prochains. Ce sont 17 films d’une durée de sept à douze minutes qui ont été récompensés par un jury présidé par l’autrice et dessinatrice de bande dessinée Pénélope Bagieu, et composé de plusieurs documentaristes, dont Alice Diop, Roisin Burns, Laëtitia Moreau, ainsi que de l’essayiste philosophe Paul B. Preciado et de la responsable de La Lucarne sur Arte, Rasha Salti. Entretien avec Fabrice Puchault, Directeur de l’unité Société et culture.
Pourquoi avoir lancé ce concours la thématique "Besoin de personne" ?
C’était une manière de faire de la provocation et de dire à ces réalisatrices : Arte ne vous dicte rien, parlez-nous de gens qui ne s’en laissent pas dicter. C’est aussi le propos de certains combats du féminisme d’aujourd’hui : arrêtez de nous patronner ! Dans les trois films primés s’expriment des revendications d’autonomie sur des champs très ouverts, complètement différents.
Quelle est la genèse de ce concours ?
Dans le monde, les réalisatrices sont toujours moins présentes que les réalisateurs sur les écrans. Au sein de notre unité, nous nous sommes aperçus de très grandes disparités, aussi. Nous travaillons avec une majorité de productrices et moins de réalisatrices. Il y a quatre ans, les réalisatrices représentaient 25 % sur l’ensemble de l’unité. Ce constat nous a tourmentés. Aujourd’hui, ce taux s’élève à 40 %. Ce n’est pas encore l’idéal. Nous voudrions atteindre 52 % de femmes et 48 % d’hommes et l’année suivante 52 % d’hommes et 48 % de femmes. Nous avons pensé que bon nombre de réalisatrices n’osaient pas pousser la porte, ne savaient pas comment nous travaillions. L’idée de ce concours était de leur dire : la porte est ouverte, venez nous présenter des projets. Nous avons reçu 800 films, un chiffre colossal. C’était la première réussite de ce concours.
Que gagnent ces réalisatrices ?
Elles ne bénéficient pas juste d’une diffusion de leurs films sur Arte et Arte.tv. Le Premier prix emporte un contrat de développement, c’est-à-dire de l’argent pour écrire le projet d’un documentaire de 52 minutes. Les deux autres prix ex aequo gagnent une bourse de 3 000 euros. Et chaque court-métrage a été acheté 2 500 euros. En partenariat avec la Scam, nous avons également organisé des rendez-vous avec une vingtaine de productrices qui travaillent avec nous régulièrement. Auparavant, ces réalisatrices étaient seules dans leur coin. Nous espérons que de ces rencontres vont naître des projets qui nous seront envoyés.
Ces courts métrages témoignent d’une grande maturité.
Le métier a changé. Beaucoup de films sont réalisés avec un téléphone et un ordinateur, en dehors du cadre que nous connaissons. C’est intéressant d’ouvrir à des réalisatrices qui n’ont pas forcément fait la Fémis ou Louis Lumière. Nous cherchons à attirer des sensibilités, des talents différents.
"Les splendides" de Meryem-Bahia Arfaoui, Grand Prix du palmarès, porte un message particulièrement politique.
Nous sommes d’accord. Nous avons réuni un jury de grande valeur, très exigeant. Nous n’avons pas cherché du sur-mesure, mais des sujets qui nous bousculeraient peut-être cinématographiquement ou politiquement.
Quel sera le sujet de son prochain documentaire ?
Elle est libre de travailler sur un sujet qu’elle définira avec une productrice. C’est pour cela, aussi que, nous avons organisé des rencontres, pour mettre le pied à l’étrier, pour continuer à ouvrir des portes à ces lauréates. Ce sont toujours des couples producteur-réalisateur qui nous proposent des projets. Arte pourra co-produire.
Votre définition de la culture ?
La culture, c’est ce qui se crée. Si nous avons une mission en documentaire, c’est de créer des œuvres qui disent le monde dans sa nuance et sa complexité. C’est regarder, trouver dans le monde les récits qui gisent et les révéler. C’est porter attention à la liberté et à la beauté des personnages
Bruno Patino, Président d’Arte, Boris Rozon, Directeur éditorial d’Arte, et vous-même venez de France Télévisions. Qu’est-ce que cela signifie du paysage audiovisuel français ?
Ce sont des histoires individuelles. Sur Arte, au poste que j’occupe, le champ de travail sur les formes est plus large : investigation, Histoire en prime time, films expérimentaux, films de grandes signatures. Ce qui nous a attirés, peut-être, c’est une qualité de modernité numérique, une prise en compte des différentes expressions par l’image que sont les réseaux sociaux, les plateformes et la chaîne linéaire. Et puis, le refus de s’enfermer dans des frontières. La nature de la chaîne, c’est que l’Europe est un horizon de création et de talent. Le monde aussi est un horizon de talent. Cela convient extrêmement bien aux modifications profondes qu’apporte le numérique à nos systèmes de diffusion.


