Depuis 200 ans, l’amour est une affaire d’État en France
Françoise Davisse et Carl Aderhold proposent une série documentaire en trois épisodes qui expose comment, au cours de l'histoire, l'Etat français s'immisce dans l'intimité des couples.
Publié le 12-02-2022 à 16h13 - Mis à jour le 13-02-2022 à 11h32
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Depuis la Révolution française, les histoires amoureuses des Françaises et des Français sont façonnées par l'histoire de France. "Pour construire la nation, pour faire la société française telle que nous la connaissons, ce qui a été essentiel pour tous les pouvoirs a été d'organiser nos vies privées, les rapports hommes femmes et la famille", résument Françoise Davisse et Carl Aderhold, les auteurs de cette série en trois épisodes narrée par la comédienne Emmanuelle Béart.
À la Révolution, il est décrété que "tous les Hommes naissent libres et égaux". Le mariage civil est légalisé et le divorce aussi, pour la première fois au monde, par consentement mutuel. Mais à peine trois ans plus tard, changement de cap. Avec le Code civil, les femmes deviennent la propriété des hommes. Le consentement disparaît. En 1810, le French Kiss est interdit en France. Pour l’État, se "galocher", c’est déjà faire l’amour. Celles qui embrassent, ce sont les prostituées. Les femmes respectables se doivent de résister.
Les petites femmes de Paris
Au XIXe siècle, tous les médecins sont des hommes, des notables. Leurs théories scientifiques confirment la règle morale. Elles se résument en une phrase d'un professeur de médecine à Paris : "une femme frigide conçoit plus aisément car elle retient mieux la semence qu'une épouse en délire." La découverte de l'ovule suffit à leur prouver que le plaisir est inutile pour faire des enfants. La jouissance mènerait même à la folie et c'est au mari d'empêcher ce risque en refusant tout plaisir à son épouse.
Pour des générations de femmes, être normale, c’est ne pas s’intéresser au sexe. Tandis que la nature de l’homme serait d’avoir "de gros besoins". Les médecins du XIXe imposent ce cliché. L’État encadre les bordels. La capitale devient le haut-lieu du tourisme sexuel européen. Un homme issu d’un bon milieu, quant à lui, n’a pas besoin de recourir à des prostituées. De la nourrice à la bonne, les femmes du peuple sont à sa disposition pour assouvir ses désirs.
Seules les épouses sont punies en cas d’adultère
Le troussage domestique dans les chambres de bonne des appartements haussmanniens ou dans les grandes fermes est un classique. Tandis que l’État s’acharne sur les femmes adultères. Les commissaires débarquent dans les chambres pour constater le délit. Seules les épouses sont punies, elles risquent la prison. Le Code civil, voulu par Napoléon, autorise le mari qui surprend sa femme à la tuer et justifie la violence conjugale jusqu’en 1975.
Les pionnières de Limoges
En 1950, des ouvrières d’une usine de porcelaine de Limoges engagent le combat pour mettre un terme à ce qui ne s’appelle pas encore le harcèlement sexuel. Elles font grève pour dénoncer les avances de leur chef et les faire virer. Les femmes repartent à l’assaut du Code civil, elles réclament de pouvoir choisir leur métier et d’ouvrir un compte en banque sans l’accord du mari.
À l’occasion de la Saint-Valentin, France 3 revisite donc les codes de l’amour à la française en les racontant chronologiquement : "Les premiers pas : 1789 - 1914", "Pour le meilleur et pour le pire : 1914 - 1956", "Désir et consentement : 1956 - Aujourd’hui".
Au récit d’Emmanuelle Béart, sur fond d’archives, s’insèrent de courts témoignages de Françaises et de Français inconnus et connus. Parmi lesquels : Jean-Pierre Darroussin, Claire Chazal, Assa Sylla, Cécile Bois, Katherine Pancol, Catherine Robbe-Grillet… Ils témoignent de leur rapport amoureux en ce jour qui célèbre l’amour. Cette retrospective agréablement construite permet de nous interroger sur notre propre modèle amoureux et la manière, plus ou moins consciente, dont nous le vivons.
Il était une fois l’amour à la française/ France 3, 21h10