La cupidité de Boeing tue
Downfall : L’affaire Boeing/ Netflix
Publié le 06-03-2022 à 09h44
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Deux crashs d’avions de conception récente, à cinq mois d’intervalle, cela n’arrive pas dans l’aviation moderne. Et pourtant, le 29 octobre 2018, le Boeing 737 Max de la compagnie indonésienne Lion Air s’abîme en mer peu après son décollage de Jakarta. À bord : 189 personnes. Le 10 mars 2019, un autre Boeing 737 Max de la compagnie Ethiopian Airlines s’écrase, tuant 157 personnes. Et pourtant… Dans le monde entier, Boeing était auréolé d’une réputation de fiabilité.
Culture d’entreprise de la cupidité
La réalisatrice Rory Kennedy - nommée à l'Oscar du meilleur documentaire en 2015 pour Last Days in Vietnam - retrace l'affaire. Elle convoque journalistes, experts en aviation, pilotes, ex-employés de Boeing, membres du Congrès américain et proches de victimes. Entre reconstitutions, images d'archives et interviews émouvantes, sa réalisation de facture hollywoodienne s'attache à expliquer pas à pas l'affaire aux néophytes autant qu'à susciter l'émotion, voire la colère devant le cynisme de l'entreprise Boeing, parangon du capitalisme.
À l’annonce du premier crash, Boeing ne se prive pas de dire qu’un pilote américain ne se serait jamais retrouvé dans une telle situation. La faute reviendrait donc à l’équipage indonésien. Avec mépris, Boeing remet en question les qualifications du pilote. Après le deuxième crash, de nouveau, Boeing essaie de rejeter la responsabilité sur les pilotes éthiopiens. Personne ne pensait que le problème pouvait venir de l’avion. Or, il venait bien du 737 Max.
Boeing a-t-il envoyé un avion dangereux dans les airs ? Que s’est-il passé ? L’audition devant le Congrès américain de Dennis Muilenburg, directeur général, de Boeing, a été accablante. C’est dans le cadre de cette audition menée avec sérieux et engagement par Peter DeFazio, président démocrate de la commission des transports et des infrastructures de la Chambre, que les dissimulations et malversations du constructeur aéronautique apparaissent au grand jour.
La fin d’une réputation
La réputation de Boeing s’est bâtie sur des années. Boeing était synonyme de sécurité. En interne, régnaient un esprit de famille et une culture de l’excellence. La fusion avec le constructeur McDonnell en 1997 conduira à la ruine de cet esprit d’entreprise. Boeing devient une entreprise à vocation financière tournée vers la rentabilité des actionnaires. Elle cesse d’écouter ses employés. Désormais, il est mal vu de donner des mauvaises nouvelles aux patrons. À Wall Street, le 737 Max fait grimper l’action à des performances financières jamais atteintes. Tous les avions devaient être fabriqués à moindre coût. Le nombre d’employé est réduit tout en exigeant de chacun qu’il fasse plus avec moins de moyens.
À l’issue d’une longue enquête de 18 mois sur les causes de l’accident, l’administration américaine de l’aviation (FAA) a conclu à une défaillance du MCAS, un nouveau logiciel qui fonctionne en arrière-plan pour stabiliser la carlingue lorsque l’angle d’attaque est jugé trop élevé. Ce système, dont Boeing a dissimulé l’existence aux pilotes, a entraîné une chute en piqué de l’avion et une perte de contrôle par les pilotes.
Boeing a accepté de payer 2,5 milliards de dollars d’amendes et d’indemnités. Cet arrangement leur a permis d’éviter des poursuites pénales. Dennis Muilenburg, à la demande du conseil d’administration, a démissionné et reçu 62 millions de dollars en actions et indemnités.
Curieusement, ce documentaire dénonce les effets mortifères du capitalisme financier et de la mondialisation sur la plateforme qui en est le produit même : Netflix.