La dangereuse beauté de la pollution
Toxic Tour, six lieux en Europe les plus pollués et les plus photographiés. En ligne, dès le 16 mars, sur arte.tv
Publié le 13-03-2022 à 09h57 - Mis à jour le 13-03-2022 à 09h59
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/UEBJNMKJPZD73NIM6DNUM56DPM.jpg)
Que se cache-t-il derrière certains paysages de rêves ? La journaliste Anne-Lise Carlo (Urbex rouge) filme de photogéniques endroits mortifères, tous détruits par l'homme. De manière simple et concrète, elle rend la pollution visible à l'œil nu. En 6 épisodes de 7 minutes, elle éclaire notre regard pour mieux ouvrir nos consciences à ces étranges phénomènes.
Quoi de plus symbolique qu’une eau qui devient rouge ? Sur les réseaux sociaux, Anne-Lise Carlo découvre des photos d’anonymes prises devant des endroits pollués, en raison de leurs couleurs étonnantes.
"Sur Instagram, certains sont prêts à s'abîmer la peau dans des lacs très dangereux, le temps d'un cliché, dans cette surenchère d'image", explique la réalisatrice de Toxic Tour. En Espagne elle est choquée par un fleuve rouge, le Rio Tinto, acide et chargé de métaux lourds. "L'office du tourisme développe des parcours en incitant à découvrir cet endroit qui ressemble à Mars. Mais personne ne se pose la question : pourquoi l'eau de ce fleuve sort-elle totalement rouge ? C'est une exploitation minière qui provoque cette couleur. Quoi de plus symbolique qu'une eau qui devient rouge ? C'est comme un signal. Pour moi, c'est vraiment la terre qui saigne."
Sur les lieux détruits, elle a croisé des inconnus épris de "Dark tourisme", un terme anglo-saxon pour décrire un tourisme macabre attiré par la pollution, les catastrophes.
En Roumanie, dans les Carpates, elle filme un village englouti sous les déchets de la mine de cuivre voisine. Des tombes et des croix affleurent au bord de l’eau. Les défunts sont ensevelis dans un lac de pollution. Et pour chaque lieu, elle interroge un lanceur d’alerte.
En Allemagne, la mine de charbon à ciel ouvert avance comme une espèce de bouche affamée. Sur le trajet, des églises sont détruites à coups de pelleteuse, des villages sont effacés de la carte. "Ils sont reconstruits 15 km plus loin, à l'identique, de manière totalement artificielle et surréaliste, avec les mêmes noms de rue. Beaucoup d'habitants refusent de s'y installer. Pour eux, le village a bien été rasé", témoigne la réalisatrice.
Des pollutions licites
En Italie, au sud de Livourne, les couleurs paradisiaques de la plage de Rosignano en Toscane sont dues aux rejets d'une usine chimique qui déverse ses déchets de carbonate de soude. "Cet industriel possède une autorisation sans cesse renouvelée par le gouvernement italien. Il se réfugie derrière cet argument en prouvant par des analyses que les dommages ne vont pas être trop importants pour l'environnement. Mais on écoute les histoires que l'on a envie de croire", alerte la réalisatrice.
Dans le sud de la France, aussi, la Provence rougit de honte. Depuis les années 1960, avec l'aval des autorités et du commandant Cousteau, une usine d'alumine déverse des tonnes de boues rouges toxiques dans la campagne et dans les calanques : titane, mercure, arsenic… "Cette pollution est autorisée par les gouvernements successifs. Comment voulez-vous que des boues rouges aussi toxiques déversées dans le fond de la mer n'impactent pas la faune et la flore ?", interroge la journaliste. Mais les enjeux économiques et touristiques sont tels, que l'omerta règne.
Le dernier épisode de cette série documentaire est consacré à Tchernobyl, en Ukraine. "Dans le film, la zoologue ukrainienne qui s'occupe des animaux blessés de Tchernobyl a vu elle aussi, sa vie basculer le 24 février dernier, confie la réalisatrice. Tchernobyl, c'est comme la pollution ultime créée par l'homme, à l'heure actuelle. Dans cette zone contaminée autour de la centrale nucléaire, des chercheurs ukrainiens et internationaux travaillent sur les différentes espèces animales. Très peu sont touchées par les radiations. Avec ce dernier volet, je voulais montrer que la nature est résiliente. Les animaux et la nature ont beaucoup plus de chance de nous survivre."