Ce week-end, la culture prend l'air

Il s'agit moins d'un concours de circonstances que d'une convergence: ce week-end, à Bruxelles, trois manifestations culturelles envahissent les rues, les trottoirs, les parcs, les cafés, enfin, prennent possession de la ville : le Jazz Marathon, l'Euroferia et la Zinneke Parade

Dominique Simonet
Ce week-end, la culture prend l'air
©Johanna de Tessières

Il s'agit moins d'un concours de circonstances que d'une convergence: ce week-end, à Bruxelles, trois manifestations culturelles envahissent les rues, les trottoirs, les parcs, les cafés, enfin, prennent possession de la ville. Alors que le Parcours d'artistes de Saint-Gilles vient de fermer ses portes, le Jazz Marathon prend le relais depuis vendredi, tout comme l'Euroferia dans le parc Elisabeth, devant la Basilique de Koekelberg. Jamais en reste, la Zinneke Parade lance son cortège délirant dans la capitale samedi. Enfin, du 21 au 24 juin, c'est le tour de la Fête de la musique...

Le mouvement ne date pas d'hier, et il a mis du temps à émerger en tant que phénomène global, bien visible. Il faut en effet remonter aux avant-gardes de la fin des années soixante pour voir s'affirmer `la volonté des artistes d'exister dans un espace public, sans limite a priori, et en dehors des structures traditionnelles´, explique Denis Gielen, assistant de Laurent Busine au MAC's du Grand Hornu. A cet égard, il s'agit bien d'une révolution culturelle dont un des objectifs affirmés était de rendre l'art accessible au plus grand nombre alors qu'auparavant, note le critique d'art, `des générations d'opérateurs culturels ont fonctionné sur le principe - pas toujours revendiqué comme tel - de l'art comme privilège.´

La Zinneke Parade offre la particularité de mélanger la plupart des expressions artistiques - sculpture, danse, musique, théâtre, peinture -, au profit de la réactualisation du folklore, voire de l'élaboration d'un nouveau folklore à partir d'éléments récupérés, déplacés, importés. Simultanément à la conquête de la rue par les arts, c'est à une reconquête de cette même rue par le folklore que l'on a droit.

Assiste-t-on par là à une sorte de retour aux sources de la culture? C'est clair car, dans certaines sociétés, l'art est un élément fédérateur `qui pourrait s'apparenter à un liant social´. Ainsi, en Afrique, tout mouvement festif est intégré dans la communauté, villageoise, tribale ou autre et, dans l'objet d'art, les aspects fonctionnel et symbolique ne font qu'un. `Dans une société consumériste et individualiste comme la nôtre, une initiative comme la Zinneke Parade va dans le sens de la reconstruction d'un lien social. A sortir dans la rue, et à passer par la gratuité, de telles manifestations s'inscrivent comme une résistance à la mercantilisation de la culture´, commente l'assistant de Laurent Busine.

`Prière de toucher´

Il est alors tentant d'y voir une forme de désacralisation de la culture. De fait, dans les musées, les expos, etc., le public est face à des petits panneaux du genre `Interdit de toucher´, qui empêchent toute appropriation culturelle. `Les mouvements actuels ont aussi pour effet de lever l'interdit de la jouissance´, s'exclame Denis Gielen. Et de citer cette oeuvre de Marcel Duchamp - encore lui -, un sein de femme en caoutchouc pour la jaquette d'un livre, oeuvre intitulée: `Prière de toucher´. Dans le même temps, c'est le sacré contemporain de la commercialisation qui est mis à mal.

Pour conclure, Denis Gielen se réjouit qu'en Belgique existe une volonté politique sans laquelle la culture ne pourrait accéder à la rue, et un vivier d'artistes absolument extraordinaire dans la plupart des domaines. `En ce sens, le phénomène de gratuité et le mouvement de diffusion généreuse à travers l'espace public sont tout bénéfice pour des artistes qui, la plupart du temps, n'ont pas envie de s'enfermer dans des studios et des galeries.´ Et vive la fête!

© La Libre Belgique 2002

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