Patrick Bruel réunit les générations

Il voulait humer ce vent de Belgique que Souchon fait rimer avec musique dans sa très belle chanson `Le baiser´, eh bien il est servi! Patrick Bruel a choisi Ostende pour démarrer sa tournée `Entre-deux...´, et il a droit à tout ce que la mer du nord peut déverser comme vilain crachin fouetté

DOMINIQUE SIMONET

CRITIQUE

Il voulait humer ce vent de Belgique que Souchon fait rimer avec musique dans sa très belle chanson `Le baiser´, eh bien il est servi! Patrick Bruel a choisi Ostende pour démarrer sa tournée `Entre-deux...´, et il a droit à tout ce que la mer du nord peut déverser comme vilain crachin fouetté par des Beaufort à n'en plus savoir que faire.

Mais cela ne l'empêche pas d'aller se balader sur la digue, foulard autour du cou, gros blouson et lunettes à peine fumées, le long de ces arcades qui auraient certainement inspiré un peintre comme Giorgio De Chirico.

Les travaux de restauration n'ont pas encore produit les effets escomptés sur le bâtiment du casino, dans un état de délabrement assez avancé, mais la très belle salle de spectacles, à l'acoustique moelleuse mais pas mollassonne, est quasi pleine. Un bon quinze cents personnes, et pas que des francophones en vacances, sont là pour accueillir `Pa-trick! Pa-trick! Pa-trick!´ en son nouveau spectacle. Patrick est du genre à aller au bout de ses idées. `Entre-deux...´ est un album foncièrement rétro années trente (donc résolument actuel), et le spectacle qui en découle est totalement dans la ligne.

Ovation debout

Splendide, le décor mêle à la fois éléments extérieurs et intérieurs, sans solution de continuité: enseigne de métro parisien, colonne d'affiches, réverbère, banc à lattes, mais aussi bar et tables de bistro, portemanteaux perroquet, vieux poste de radio. Complet prince de Galles gris clair, chaussures beiges, cheveux gominés, le chanteur fait son entrée par la salle: pas un geste vers lui, pas une main qui se tend mais, à son passage, des regards qui s'allument, quelques flashes qui crépitent. Ovation debout pour commencer, ça promet!

Et ça tient ses promesses: souvent sur des rythmes joyeusement swing, avec piano guilleret et guitare à la Django, les titres défilent en sautillant. On est en bord de mer bruineux, mais on serait sur les rives de la Marne un soir d'été que cela ne se passerait pas autrement.

Son public habituel allait-il suivre Bruel dans cette aventure à rebrousse-temps? Oui, et de surprenante manière. Que les papas entonnent `Comme de bien entendu´, `La java bleue´, `Mon amour de Saint-Jean´, `La romance de Paris´ ou `On n'a pas tous les jours vingt ans´, cela n'étonnera personne. Mais eux-mêmes sont étonnés d'entendre leurs gamines, qui n'ont pas 20 ans en 2002, débiter ces airs en se balançant de gauche à droite... Le disque est sorti il y a tout juste un mois, ce n'est pas beaucoup pour assimiler tout ce répertoire...

Resplendissant de joie

Visiblement très à l'aise pour une première, Bruel raconte beaucoup, amuse énormément, et il touche aussi: avec `Celui qui s'en va´ (poème de Jean Richepin) et surtout `Je suis dans la dèche´, le répertoire de Damia ne dément pas son actualité. Enfin, voilà un spectacle extrêmement réussi, avec un chanteur resplendissant d'une joie communicative, et qui donne envie de se précipiter chez le disquaire du coin -enfin, quand il en reste- à la recherche des Ray Ventura, Maurice Chevalier, Berthe Sylva, Lucienne Boyer, Fréhel et autres Trenet de nos (arrière) grands-parents. Ah, il a bien réussi son coup, le Patrick.

Album `Entre-deux...´, BMG.

© La Libre Belgique 2002

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