Dans la peau de Senesino

Figure bien connue du chant baroque, Andreas Scholl est de retour. Au disque comme à la scène, il évoque le castrat Francesco Bernardini, dit «Le Siennois» (Senesino) : «Comme contre-ténor, tôt ou tard vous êtes appelé à chanter un air composé par Senesino.

Nicolas Blanmont

Figure bien connue du chant baroque, Andreas Scholl est de retour. Au disque comme à la scène, il évoque le castrat Francesco Bernardini, dit «Le Siennois» (Senesino) : «Comme contre-ténor, tôt ou tard vous êtes appelé à chanter un air composé par Senesino. Haendel, à lui seul, a écrit quinze ou seize rôles principaux pour lui! J'aime construire un disque autour d'un thème, et la figure de Senesino s'est imposée. En outre, sa tessiture était celle d'un castrat alto, correspondant à la voix actuelle de contre-ténor, alors que Farinelli était, lui, un castrat soprano. Pour moi, c'est plus qu'une simple question de confort vocal: c'est comme si le compositeur avait écrit pour ma voix.»

Amour / haine

Le disque et le concert de ce soir explorent différentes oeuvres écrites pour le rival de Farinelli. Et tout d'abord par Haendel: «Il y avait entre eux une relation d'amour/haine. C'est Haendel qui est venu le chercher à Dresde, et c'est à Londres que Senesino a gagné le plus d'argent: il aurait pu prendre sa retraite fortune faite après deux ou trois ans, et les directeurs de théâtre ont risqué la faillite à cause de ses cachets. Mais entre Haendel et lui, il y eut, forcément, des problèmes d'argent et d'ego. On sait que Senesino avait de la force, de la noblesse, de la clarté dans la voix. On sait aussi qu'il chantait très vite, plus vite que les violons n'arrivaient à jouer. Le public aimait cela, même si ce n'était pas très prisé artistiquement. Mais pour «Rodelinda», Senesino a exigé de Haendel qu'il ajoute à Bertarido un air virtuose, le «Vivi tiranno» du final, alors que cela n'a aucun sens au plan dramaturgique!»

Recherches

D'autres compositeurs - Scarlatti, Albinoni ou Porpora - sont également convoqués: «Il fallait faire une sélection aussi illustrative que possible, depuis le début jusqu'à la fin de sa carrière: avec Haendel au milieu bien sûr, mais aussi avec ce qui vient avant et après. J'ai la chance de ne pas devoir faire moi-même les recherches: je me contente de lancer l'idée. Je suis avant tout un chanteur: même si j'ai eu quelques cours quand j'étudiais à Bâle, je ne suis pas un musicologue. Mieux vaut un expert, qui sait qui il faut contacter pour la bibliothèque de Bologne ou à Dresde... Et qui ne choisira pas des oeuvres écrites pour Senesino mais que, finalement, Senesino n'aurait pas chantées ! Ici, Decca a confié cela à Alessandro Borin, le musicologue qui avait déjà fait la sélection pour mon CD «Arcadia», et il est revenu avec un large choix dans lequel nous avons retenu le meilleur, Ottavio Dantone et moi.»

Scholl retrouve en effet le claveciniste et chef italien avec lequel il avait déjà travaillé pour son précédent récital: «J'aime travailler avec Dantone et son Accademia Bizantina: ils ont l'esprit et la dynamique requises pour la musique italienne, mais ils n'en font pas trop. Jamais ce... cirque auquel se livrent certains orchestres italiens.» Qui doit se sentir visé?

CD Decca 475 6569; concert à Bruxelles, palais des Beaux-Arts, samedi 19 à 20h.

Webhttp://www.bozar.be

© La Libre Belgique 2005

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