Nancy Zhou, une femme de défi
L’Américaine Nancy Zhou, 19 ans, a opté pour la sonate n°1 de Prokofiev, aussi sombre que l’interprète est lumineuse.
Publié le 26-05-2012 à 13h49
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L’Américaine Nancy Zhou, 19 ans, a opté pour la sonate n°1 de Prokofiev, aussi sombre que l’interprète est lumineuse. En duo avec le pianiste français Jonas Vitaud, elle s’impose dès la première mesure par ses sonorités chaudes et profondes – mais pouvant servir le caractère âpre de la sonate –, son art de donner instantanément vie à la musique, son autorité. Puissante et déterminée dans l’Allegro brusco – mais sans saturer le son –, elle prête à l’Andante des timbres soyeux et doux pour faire s’élever un chant sublime, bientôt mis en sourdine et traversé d’inquiétudes et d’interrogations ; les mêmes qui se retrouveront dans l’Allegrissimo, faussement allègre et vraiment beau, où son partenaire fait merveille au piano. Tout est habité et maîtrisé, une des plus belles sonates entendues jusqu’ici. (Notons qu’outre ses études musicales, Nancy poursuit des études de médecine à Harvard ; l’intelligence, pour le violon comme pour le reste, ça aide.)
Dans le concerto imposé de Sakai Kenji, la même aisance ne se retrouvera pourtant pas, du moins pas dans les notes d’entrée, rondes et sages... Par contre, la jeune soliste semble avoir inspiré à l’orchestre une version particulièrement colorée, irisée, nuancée, qui se mettra en phase, comme de l’extérieur, avec son jeu raffiné pour aboutir à une énonciation idéale de la phrase finale.
A priori, le concerto de Jean Sibelius s’inscrit parfaitement dans le tempérament de la jeune musicienne mais, si l’entrée de l’allegro donne déjà la mesure de son potentiel en la matière, il faudra attendre un peu pour la sentir complètement impliquée ; on ne parle plus ici de la technique, de la justesse, de la splendeur des sonorités ou de la qualité de leur projection, largement acquises, mais de cet engagement si personnel et de cette liberté rencontrés dans Prokofiev.
Sans quitter le “beau violon”, Nancy restera dans le chemin de la convention, même dans l’Adagio di molto, parfait mais extérieur, pour ne pas dire plat ; et ce n’est que dans le Finale périlleux, athlétique, redouté qu’elle renoue enfin avec elle-même, avec ses mimiques drolatiques et son sourire, avec sa formidable détente et son pouvoir ! Un signe qui ne trompe pas : à la tête de l’orchestre, Gilbert Varga réduit la voilure, la musique semble renaître de tous côtés et les derniers traits sont lancés dans l’euphorie générale.
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