Les dernières semaines de la vie de Jacques Brel

Jacques Brel est mort le 9 octobre 1978. Son cancer avait été diagnostiqué le 5 novembre 1974. Brel et son cancer ont vécu quatre années ensemble. Retour sur les dernières semaines de sa vie, en musique.

Eddy Przybylski
Les dernières semaines de la vie de Jacques Brel
©Photo News

Jacques Brel est mort le 9 octobre 1978. Son cancer avait été diagnostiqué le 5 novembre 1974. Brel et son cancer ont vécu quatre années ensemble.

Deux dates ont marqué l’évolution de la maladie dans son corps. La première est celle de l’espoir : le 16 novembre 1974, il était opéré à la clinique Édith Cavell à Uccle. La deuxième est celle de la récidive : le 7 juillet 1978.

7 JUILLET Ce jour-là, il a piloté son avion pour la dernière fois. Au petit matin, il est allé distribuer du courrier dans une autre île, à Ua Pou. À son retour, une femme enceinte lui demande si, en octobre, elle pourrait compter sur lui pour qu’il l’emmène à Tahiti où elle doit accoucher. Il répond : "Je ne sais pas." Brel est rouge. Brel tousse. Il a un goût de sang à la bouche. À la maison, il demande à sa compagne Maddly : "Va téléphoner pour réserver des places dans l’avion de Papeete. On va partir. C’est la débandade. Je suis désolé." Dans l’avion, il pleure.

8 JUILLET À Tahiti, les premières radios montrent des ganglions et des métastases. L’ensemble du poumon gauche est atteint. Un spécialiste mondial du cancer, le professeur Israël, se trouve en vacances à Papeete. Il vient voir Brel à l’hôpital. "Il fallait qu’il rejoigne au plus tôt mon hôpital de service à Paris. Ce qu’il a fait. J’ai moi-même téléphoné à mon assistante afin qu’elle commence le traitement."

27 JUILLET À l’aéroport de Faaa, Brel et Maddly prennent place dans un avion pour Paris. C’est l’adieu avec les îles.

28 JUILLET Ils prennent une chambre à l’hôtel George V. Tous les mardis, il est traité au cobalt et aux rayons X dans un hôpital de Bobigny.

DÉBUT AOÛT Sa présence au George V est ébruitée. Brel ne veut pas qu’on le voie diminué. Il prend une chambre dans une clinique privée. C’est un passe-droit qui n’a aucun rapport avec son traitement. Il continue ses séances de rayons du mardi à Bobigny. Il n’accepte qu’un seul visiteur : Lino Ventura. Par contre, il fait venir un ami de Maddly, Pierre Caro, producteur de cinéma, et ils se rendent à Verdelot, dans la maison de campagne de l’écrivain Pascal Jardin qui vient de sortir Le Nain jaune, un livre où il est question de l’attente de la mort. Pierre Caro : "Je l’ai vu en état de souffrance, défiguré, avec des gonflements sous la peau. C’était le résultat du traitement. Horrible à voir. Mais ça ne l’empêchait pas de garder un certain humour."

29 AOÛT La tumeur, d’une grosseur de pamplemousse, est réduite à la taille d’un marron. Maddly écrit à Tahiti. "Jacques va beaucoup mieux. On ne saurait imaginer son appétit."

SEPTEMBRE Sa peur d’être vu et surtout photographié dans cet état vire à l’obsession. Lorsqu’il quitte la clinique Hartmann, il loue deux ambulances. La première est un leurre. Lui se cache dans la deuxième.

DÉBUT SEPTEMBRE Brel et Maddly dînent chez Prunier. Claude Lelouch s’y trouvait aussi en compagnie de Robert Hossein. "Jacques était boursouflé, pas beau à regarder. Il a senti mon regard. Et là, il m’a dit, sur le ton du constat amer : "Elle est belle, la vie, non ?" Claude Lelouch et Robert Hossein ne se posent pas de question. On met la transformation physique de Jacques sur le compte de sa radiothérapie. Erreur ! Le professeur Israël : "Jacques Brel a fait une phlébite, provoquée par la quantité importante de rayons qu’il a subie. Cette phlébite a provoqué de grandes difficultés respiratoires. Nous avons dû l’hospitaliser et lui donner un traitement d’anticoagulants."

MI-SEPTEMBRE Maddly dit à Brel que des photographes sont entrés dans la clinique, en portant des blouses blanches d’infirmiers. En cachant, il enlève ses perfusions et part, arrêtant son traitement d’anticoagulants.

AU MATIN Jean Liardon, un ami aviateur suisse, a été prévenu. À six heures du matin, il est au Bourget pour emmener Brel. "Quand nous sommes sortis du hangar, j’ai vu trois ou quatre photographes sur la piste. Ils n’ont pu photographier que l’avion." Brel s’installe à l’hôtel Beau Rivage de Genève. Chambre 320. À l’aéroport de Cointrin, il assiste à la projection d’un film sur l’aviation.

24 SEPTEMBRE L’avion de Liardon les amène, Maddly et lui, près d’Avignon. "Il voulait y acheter une maison pour s’y installer. Je lui ai demandé : "Pourquoi Avignon ? Pourquoi pas la Suisse ?" Il m’a répondu : "Il me faut du chaud !" La journée l’épuise. Ils rentrent à Genève.

5 OCTOBRE Le couple se promène dans Genève. Brel achète à Maddly un gros manteau

NUIT DU 5 AU 6 OCTOBRE Brel est pris d’une quinte de toux plus inquiétante que les autres. "Excuse-moi, je te fais peur", dit-il à Maddly. Cette fois, il accepte de rentrer à Paris. Il voit des larmes sur la joue de sa compagne : "Ne pleure pas, je ne suis pas encore mort. Tu vas voir, je n’ai pas dit mon dernier mot. On va rire encore."

6 OCTOBRE Début d’après-midi Le retour à Paris. Dans la matinée, Brel a été évacué de l’hôtel Beau Rivage en hélicoptère. On a dû lui mettre un masque à oxygène et retarder le départ de l’avion. Il est admis à l’hôpital franco-musulman de Bobigny sous le nom d’emprunt de Jacques Romain.

9 OCTOBRE À 3 H 30 Jacques Brel est mort. Le professeur Israël : "La conséquence de l’arrêt de son traitement, c’est qu’il nous est revenu, après une quinzaine de jours, avec une embolie pulmonaire. Nous avons essayé de le sauver. Mais une embolie pulmonaire, d’un côté, et un cancer du poumon, de l’autre… Il n’était plus en état de respirer. Ces deux dernières journées, il les a passées dans un état semi-comateux. Il ne pouvait plus dire un mot. Il n’est pas mort de son cancer, mais d’une embolie pulmonaire. S’il ne s’était agi que de ce cancer, je suis persuadé qu’il aurait pu s’en tirer."


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