Trois jours d’euphorie avec Musiq’3
Liberté, beauté, émotion à Flagey ce week-end, avec Fazil Say en inspirateur.
Publié le 30-06-2015 à 12h13 - Mis à jour le 30-06-2015 à 16h03
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/FV3IEOVVG5AOHAD5ZFGDTXVBKY.jpg)
Le temps était magnifique, face au chapiteau monté sur la place Sainte-Croix, le Belga avait sorti son attirail de plage urbaine et le public - aussi nombreux dehors que dedans -, répondu présent. Durant trois jours, le cinquième Festival Musiq’3 battit son plein, ce week-end à Flagey (et au Marni). Et ce ne fut pas qu’une impression : par rapport à 2014, le nombre de places vendues (en dehors des activités gratuites et des concerts sous chapiteau) augmenta de 40 pour cent. Plus l’écoute en radio. Oui, c’était la fête, même si le thème du Festival de Wallonie (dont le festival Musiq’3 donne l’envoi) touche à la question cruciale du pouvoir, et donc de la liberté. Le pianiste turc Fazil Say, invité d’honneur du Festival de Wallonie, en connaît un bout sur ce chapitre, lui qui, en 2012, s’est vu condamner à 10 mois de prison pour s’être affiché athée sur Twitter.
Parmi les chocs : Kadouche et Hwang
Le coup d’envoi fut donné vendredi soir avec un concert du genre "les classiques se la jouent cool" (?). Dans le studio 4 comble, l’Orchestre philharmonique royal de Liège dirigé par Christian Arming et quatre Belges dans le vent - Jodie Devos, Lorenzo Gatto, Marie Hallynck et Patrick Leterme - présentèrent ainsi un patchwork aussi disparate que haut en couleurs, de Johannes Strauss à Dvorak, en passant par Duparc et Schnittke.
Le temps d’entendre ensuite l’élégant op. 10 de Beethoven par le Trio Talweg (Éric-Maria Couturier au violoncelle), et c’était déjà le récital de Fazil Say (introduit par Thomas Gunzig déchaîné). Chez ce génie, la liberté s’applique à tout, y compris à Mozart dont les sonates n°11 et n°12 ("Alla Turca", évidemment) apparurent toutes neuves, passionnantes, à certains égards, hilarantes, et "justes". Tout comme la pièce de Say lui-même, "Gezi Park 2", saluée par une ovation debout. Il en sera de même le lendemain, pour le concert de Say avec l’Orchestre du Festival dirigé par Shirly Laub, consacré à "Gezi Park 3", pour piano et voix (Joëlle Charlier), et le 1er concerto de Chostakovitch, avec Alain De Rudder à la trompette.
Deux autres merveilles : le récital du jeune pianiste français David Kadouche, tout d’abord. Bach, Schumann et Scriabine idéalement enchaînés dans une progressive explosion d’énergie (on le réentendra le lendemain, en fabuleux duo avec Gautier Capuçon). Le récital de Sumi Hwang, 1re lauréate du Reine Elisabeth 2014, ensuite : voix brillante, puissante et sensuelle, ici avec le pianiste Jonas Vitaud, dans des lieds emblématiques de Schubert, Strauss, et Duparc.
Oh, qu’il est beau "Okilélé"
Ce même samedi, nous avons assisté à la création d’"Okilélé", opéra pour et par des enfants de Patrick Leterme, d’après le livre de Claude Ponti. L’œuvre est forte et poétique, comme son sujet - où il est question de la différence, de l’expérience de la souffrance et du pouvoir de la bonté -, et elle est magistralement servie par la mise en scène (Vincent Goffin), les musiciens et les jeunes interprètes (7 à 15 ans), ceux-ci dirigés depuis le piano par le compositeur lui-même. La musique est savante, certes, mais colorée, fantasque, suggestive, et l’interprétation des enfants - qui chantent, parlent et dansent avec un égal bonheur - est sidérante de précision et de virtuosité. Notant que ce petit opéra de 50 minutes n’est pas donné, le sujet est grave, même si l’on rit beaucoup, et le visuel - qui fait appel à de subtils jeux graphiques sur écran - requiert de l’attention. Plutôt pour les plus de 6 ans (adultes compris) que pour les tout-petits… "Okilélé" sera la transversale famille du Festival de Wallonie 2015.Martine D. Mergeay
-> Festival de Wallonie, de juin à octobre. Infos : www.festivaldewallonie.be