The Districts, Christine and the Queens, FFS... Retour sur la journée du vendredi au Pukkelpop

Ce vendredi était sans doute la meilleure de cette trentième édition sur papier.

Nicolas Capart
The Districts, Christine and the Queens, FFS... Retour sur la journée du vendredi au Pukkelpop
©JC Guillaume

Après un jeudi ensoleillé mais en demi-teinte, le mercure gagnait encore quelques degrés vendredi au Pukkelpop, au matin d'une nouvelle journée bardée de promesses côté notes. Sans doute la meilleure de cette trentième édition sur papier. Et on entrait dans le vif du sujet peu après 15h et l'arrivée des Districts sur les planches du Club. Quatre gamins nourris au grain élevés au grand air de Pennsylvanie, et un presque leader fort en gueule et haut en couleurs. Petit joufflu grungy mal fagoté à la voix éraillée et parfois haut-perchée. C'est simple, Rob Grote, c'est la revanche du petit gros pas beau assis près du radiateur. Celui qui n'a pas dû approcher beaucoup de demoiselles adolescent, mais qui, aujourd'hui, chante sans doute ses douces sérénades aux écoutilles des plus jolies.

Le premier album presque parfait de la bande – "A Flourish and a Spoil" – en a fait l'une des révélations rock de l'année écoulée et leur prestation en Limbourg n'a fait que confirmer tout le bien que déjà l'on pensait. Un set rageur, électrique, énergique, détonant et puissant, avec toujours cette touche de romantisme sincère et désintéressée qui atteint sa cible à chaque reprise. Quelques titres imparables aussi, dont ce fameux "4th and Roebling" en forme de montagnes russes, et un enthousiasme encore intact pour cette jolie bande pas encore cramée par les tournées et les traditionnels travers de ce métier. La première véritable claque du Pukkel 2015.

Une heure plus tard, au même endroit, c'est Ought et son post-punk caractéristique – que ne renierait aucun fan de feu-Sonic Youth – qui nous tend les bras. Sur scène, plein centre, planté comme un I imprimé majuscule, le génial Tim Darcy nous fait face, ténébreux chanteur à la mèche bien rangée sur le côté, au slim noir aiguisé et à la chemise beige bien rentrée. Par rapport aux Districts c'est sur, les quatre de Ought apparaissent bien plus distingués. Sans plus de transition, l'équipée canadienne nous assène le cinglant "Pleasant Heart" d'entrée. Ce rif diabolique, cette voix grave théâtrale, ces cris et cette envie... Rien ne bouge, tout est précis. Comme pour ajouter une couche au plaisir, c'est l'autre bombe, "The Weather Song", qui nous est livrée avec intransigeance dans la foulée. Tendue à souhait... Le plus joli départ auquel nous ayons assistés. Pourtant, nous les quittons pour de toutes autres sensations.

A l'ombre du Castello, le show épileptique de la cliqueH09909 – lisez Horror – a déjà commencé... Un sobriquet qui parfaitement leur sied. Sur papier, des affreux vilains méchants effrayants comme on les aime, fils spirituels des Bad Brains et cousins machins de Death Grips. Une batterie énergique, malheureusement pas de vraie guitare électrique. Pour un rap harcore aux envies punk et noise, injecté d'adrénaline. Dans ce genre de duo, le plus dangereux, c'est souvent le plus petit. Ce qui se vérifie ici, quand le blondinet du tandem de New-Jersey, visiblement déçu par l'intensité du mosh pit, descend dans le public pour initier un pogo en bonne et due forme. Un concert d'une rare intensité et vingt dernières minutes tout simplement incroyables. On y reviendra à coup sûr. Avec des genouillères et un casque pour mieux profiter.

Nous passerons allègrement sur le piètre passage du emcee d'Atlanta Young Thug, plus préoccupé par sa coiffure péroxydée, l'exposition de son nombril tatoué et la combustion de ses tarpés que par l'envie de réellement rapper. Qu'à cela ne tienne, nous avions rendez-vous de longue date avec une petite rockeuse énervée.Courtney Barnett, les épaules renfrognées. La révélation féminine de l'année venue de la belle Australie, accompagnée de ses deux complices hirsutes à moustaches dans une pure formule power trio. Depuis la sortie de son petit premier au titre délicieux – "Sometimes I sit and think and Sometimes I just sit" – , la fifille squatte allègrement nos platines de ses ballades folk romantiques ou de soubresauts plus électriques. La déliquescence d'un rock lent, répétitif et lancinant, qui sait prendre son temps, dans lequel on s'enfonce doucement. Manqua peut-être l'étincelle qui n'arriva qu'en fin de set, au détour du génial "Pedestrian At Best". Mais la gamine a du chien et sans doute un bel avenir devant elle.

En fin d'après-midi, c'est Héloïse Letissier alias Christine and the Queens qui nous attirait au pied de la grande scène pour la première fois depuis l'entame du festival limbourgeois. Cette Main Stage du Pukkel et sa progra, c'est un peu notre triangle des Bermudes, dont on n'ose s'approcher de peur de s'égarer. Un pari osé cependant pour la chanteuse française, face à ce public majoritairement flamand qui connait peu sa langue et à peine sa musique. Les yeux plissés, les épaules écarlates et le front brillant, Christine n'est pas une fille du soleil, c'est assez évident. Mais elle danse comme une déesse, ce qui rattrape le coup aisément. Elle plaisante, alterne l'anglais et le français, assume son show à 100%, tout comme sa très forte personnalité. Lorsqu'elle entame son désormais fameux mash-up du "Paradis perdu" de Christophe et du "Heartless" de Kanye West, on reprend notre souffle... Mais le résultat est sublime, et le temps se suspend dans la plaine pour ce moment de grâce. Tous n'ont pas compris. Mais ce fut magnifique, et il y eut même quelques claquements de paumes nourris.

La récente association des rockeurs écossais de Franz Ferdinand avec la légende californienne Sparks nous avait plutôt séduits sur disque. Il était donc légitime d'aller voir ce que FFS donnait en était en piste. Si l'ambiance de la Marquee était au beau fixe, nous peinions à entrer dans la danse. Certes, il y eut quelques tours réussis et d'applaudissements accueillis, dont le fameux "When Do I get to Sing My Way" des seconds et l'incontournable "Take Me out" des premiers. Dans l'intervalle, Ron Mael comme à son habitude n'a pas bronché derrière son clavier, son frangin Russel s'est un peu dandiné, et nous nous sommes un chouilla ennuyés devant ce supergroupe sympathique mais aux accents un tantinet datés.

Direction la Wablief? donc, pour goûter au garage excité de tripots mal famés de la jolie fratrie de Fat White Family. Délicieusement tribal, bestial, frontal... et joyeusement barré. La réputation des Anglais les précède, forts de prestations sans filtre ni ceinture de sécurité, entre nudité impromptue et goût certain pour la sauvagerie sans retenue. Cette fois à sept sur les planches, s'ils furent bons, les gaillards furent aussi plutôt modérés. Nombril – seulement nombril – à l'air, leur épique chanteur et leader Lias Saoudi a tout de même ondulé comme un serpent fou défoncé et transmis l'énergie à un public ravi .Une belle balade déglinguée dont on ressorti trempés mais charmés.

Enfin vint le moment de notre bal masqué préféré... Celui des géniaux SuédoisGoat, délicieusement psyché, qui derrière leurs loups font ce qu'il nous plait. A l'AB déjà, leur carnaval tournoyant nous avait bien scotchés et depuis nos chevilles de les revoir s'impatientaient. Dès les premiers accords de grattes, l'on sut que rien n'avait changé. Entre percussions hypnotiques et incantations shamaniques, le groupe assure en tous points et ne tarde pas à nous entraîner. Loin, très loin... Des glorieuses seventies du rock aux rythmiques de l'Afrique, sans jamais lever le pied. Impressionnants d'endurance et de précision, les musiciens de Goat font tournoyer leurs deux chanteuses et maîtresses de cérémonie débordantes d'énergie. Une heure de transe dont on ressortit lessivés, et nos hôtes sur la première marche d'un podium dont il sera ardu de les détrôner.


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