Concours Reine Elisabeth: Aljosa Jurinic inverse les propositions
Le papillon de Ledoux trouve une version expressionniste.
- Publié le 25-05-2016 à 21h33
- Mis à jour le 25-05-2016 à 21h34
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Aljosa Jurinic est croate et fêtera ses 27 ans le 2 juin. Depuis le premier tour, il se présente comme un musicien fin et imaginatif, parfois fragile mais parvenant toujours à communiquer sa vision et à susciter l'émotion.
On constatera que, dans le cas de l'imposé, toute trace de fragilité a disparu. Le musicien aborde "A Butterfly's Dream" de Claude Ledoux dans des sonorités assez franches, objectives et plus percussives que ce qu'on a entendu jusqu'ici. Son papillon - rêvé ou éveillé - est pour le moins expressionniste, et plus proche de Stravinski que de Debussy. Le bref changement de climat dans le début de la cadence - ouvrant soudain sur un monde onirique et suspendu - n'en est que plus prenant, mais c'est pour repartir de plus belle dans le climat du début qui ne prendra sa part de "tendresse" (demandée par le compositeur) que dans les toutes dernières mesures.
Le premier concerto de Chopin, en mi mineur, s'ouvre sur une très longue introduction instrumentale, ce peut être un sas de décompression pour le soliste, ce peut aussi faire figure d'épreuve, Aljosa semble, lui, être déjà à fond dans la musique et rejoindre l'orchestre tout naturellement. Son approche - on s'en doute après avoir suivi la pièce de Ledoux - est tonique, parfois un peu dure, en tous cas dépourvue de toute mièvrerie.
C'est aussi une version engagée, enfiévrée, caractérisée par un jeu très articulé, perlé dans les (rares) nuances piano, mais peinant à soutenir les parties plus soutenues et chantantes. La belle romance du 2e mouvement est dotée d'une foule d'ornements et c'est travers ceux-ci que le pianiste construira - ou plutôt reconstituera - la ligne vocale, qu'il glissera dans le flux des sonorités décoratives mais sans la doter d'assise ni de direction. Quant au rondo final, pris dans un tempo vif et enlevé, mais sans la légèreté bondissante qu'on y attend, il révélera tout de suite une certaine instabilité et un problème de crispation sans doute liée à la fatigue. Et il ne faudra malheureusement pas compter sur l'orchestre, peu à l'aise depuis le début du concerto, pour apporter à part de légèreté à l'affaire...