Concours Reine Elisabeth: l'art très contrôlé de Dmitry Shishkin
Dans le plus russe des concertos, il se montre stratégique avant tout.
- Publié le 27-05-2016 à 21h27
- Mis à jour le 27-05-2016 à 21h29
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A 24 ans, le Russe Dmitry Shishkin est un des plus jeunes finalistes de cette session. Il fait aussi des fortes personnalités, à la fois brillant et énigmatique.
Il entre dans "A Butterfly's Dream" de Claude Ledoux avec une assurance et une détermination qui n'excluent nullement la légèreté et l'ouverture à l'imagination, comme l'indiquent le surgissement de petites trouvailles - accélérations ou suspensions au sein des phrases - et plus globalement, l'apparition d'un climat très personnel, vif, ardent, vaguement inquiétant. Le toucher est franc, les sonorités claires, pas très colorées, la transparence vient plutôt de l'alacrité du jeu, très détaillé, incisif, nerveux. On est loin des halos d'harmoniques et des ambiances oniriques déjà entendues cette semaine. Et On ne parle ni de l"espoir" ni de la "tendresse" convoquées par le compositeur...
Avec sa spectaculaire ouverture en octaves, le premier concerto de Tchaïkovski semble d'emblée mieux correspondre au tempérament et aux moyens du jeune musicien : très à l'aise dans la grande phrase, la puissance, le mode épique, il développe cet Allegro dans un tempo allant mais sans précipitation, en bonne entente avec l'orchestre dont il traverse l'épaisseur sonore comme sans effort. Mais le mode est uniment affirmatif, la passion soigneusement contrôlée et les effusions romantiques aux abonnés absents. Et comme souvent dans ce cas, l'orchestre emboîte le pas au soliste et a tendance à jouer fort et dur.
La cadence permettra de renouer avec un discours plus libre, plus personnel, plus abandonné à la beauté de la phrase, mettant aussi en évidence les riches sonorités du pianiste. Annonce d'un andantino tendre et chantant ? Pas vraiment (la flûte fait pourtant de son mieux pour l'inviter à s'épancher, et le violoncelle s'y emploiera à son tour...), c'est plutôt dans l'intermède prestissimo et, au cours de la reprise du thème, dans les trilles finement égrenés que s'épanouira un geste expressif. L'allegro con fuoco, enfin, pris à bonne allure mais, une fois encore, de façon mesurée, ne franchira pas le seuil de l'émotion, mais se présentera comme une formidable démonstration d'énergie et de maîtrise.