Concours Reine Elisabeth: les audaces payantes de Ferro

Imposé de mémoire et concerto rare : le benjamin de la session 2016 épate l’assemblée.

Nicolas Blanmont
grève
©Photo News

Si Alain Chabat et Guillaume Gallienne avaient un fils, il ressemblerait sans doute à Alberto Ferro. Cheveux jais impeccablement peignés, lunettes d’intellectuel, smoking, chemise blanche et nœud papillon à peine de guingois, le candidat italien a l’allure sage d’un premier communiant. Ou, plus exactement d’un premier de classe : premier (et sans doute seul ?) finaliste à jouer de mémoire « A Butterfly’s Dream » de Ledoux, le benjamin de la session (20 ans seulement) frappe d’emblée un grand coup par une approche chambriste généreuse qui, jamais, n’essaie d’imposer le son du piano devant celui de l’orchestre. L’absence de partition favorise évidemment le contact avec les autres musiciens, et chaque ligne semble concertée en dialogue avec Marin Alsop. Même dans les cadences, l’approche percussive de tant d’autres candidats est ici refusée : toucher perlé, phrasés voluptueux, Ferro impose sa patte, discrète et subtile.

Composé en 1891 mais retravaillé en 1917, le premier concerto de Rachmaninov n’est pas, loin s’en faut, le plus joué du compositeur. Au Concours Reine Elisabeth, il n’avait jusqu’ici été donné qu’une fois en finale (le Chinois Cheng-Ying Chou, dixième en 1964 !). C’est dire que le choix d’Alberto Ferro est, ici encore, audacieux.

Audacieux, mais intelligent : plus court d’un quart d’heure que les numéros 2 et 3 de Rachmaninov (et donc relativement moins épuisant), ce premier concerto offre au soliste l’occasion d’affirmer sa personnalité, de faire ce qu’il faut d’étalage de ses moyens techniques, mais aussi de partager sa sensibilité avec le public. Et plus particulièrement en l’occurrence avec les francophones de plus de quarante ans qui y auront retrouvé dans le premier mouvement le générique de la légendaire émission « Apostrophes ».

Pari gagné sur toute la ligne ! Après un enivrant « Vivace » initial couronné d’une cadence à la fois somptueuse et raffinée, l’andante confirme cette capacité d’une poésie pudique, et l’allegro vivace confirme une expressivité subtile et une virtuosité sans faille. Avec l’avantage de l’âge (le jury aime révéler les talents émergents), Ferro est aussi candidat au podium. Et la salle est debout !

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