"This is not a love song": Un autre festival est possible
A l'aube d'entamer notre traditionnel été festivalier, coup de projecteur sur un "petit" français. "This is not a love song", un festival différent où l'on aime rencontrer les gens et prendre son temps. Entretien avec Fred Jumel, directeur inspiré.
- Publié le 31-05-2016 à 14h56
- Mis à jour le 31-05-2016 à 15h03
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C’est parti ! La Belgique s’apprête à entamer son marathon (f) estivalier annuel. Campeurs mélomanes et autres férus de notes à sacs à dos se préparent pour Couleur Café, Rock Werchter, les Ardentes, le Dour Festival, Esperanzah!, les Francos, Tomorrowland, Pukkelpop&Co… Des événements aux mensurations gargantuesques qui n’arrêtent pas de gonfler (à l’instar des prix pratiqués au bar d’ailleurs), multipliant les scènes et augmentant sans cesse leur capacité.
Si nous en serons, comme chaque année, nous avions envie d’aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs, de goûter à un autre genre de festival, sur un autre rythme et à une autre échelle. Installé depuis quatre ans le même week-end que le Primavera Sound barcelonais, c’est le menu déroulé par This is not a love song (Tinals), à Nîmes, qui nous a attirés. Dès vendredi, ce petit festival français convie dans le Sud la crème de la scène indé, sans paillettes mais avec de beaux noms. Un événement différent à n’en pas douter. Certaines phrases - de son directeur Fred Jumel - ne trompent pas : "On n’est pas sur un rapport marchand. Par exemple, les gens peuvent amener leur casse-croûte sans souci. Contrairement à ce qui se passe dans bien des festivals, on ne va pas vous faire les poches à l’arrivée, parce qu’on est plutôt content que vous veniez…"
Quatre scènes
Une affiche pointue et qualitative, un joli site à taille humaine, des activités gratuites, des vins de producteurs locaux, une ambiance baba cool… Il n’existe pas vraiment d’équivalent chez nous, mais on pourrait citer le Micro Festival liégeois ou Deep in the Woods, deux petits belges qui font eux aussi rimer indé et proximité. Tinals se joue sur quatre scènes (indoor & outdoor) pour quelque 4 000 festivaliers par jour. Sans écran géant, ni énorme panneau publicitaire oppressant. Un luxe sur lequel les organisateurs vont devoir faire des concessions, à l’heure où les subventions de la culture dégringolent tant et plus en France. "On ouvre cette édition à des sponsors privés. Mais des sponsors plutôt intéressés par la démarche du festival plutôt que par l’aspect quantitatif." Un vœu pieu à n’en pas douter. Mais le directeur a de la suite dans les idées : "Ce qu’il faut, si on veut pérenniser les choses, c’est peut-être se dire qu’on a atteint le maximum et qu’on arrête de grandir désormais. Au risque de tomber effectivement dans une quête effrénée de sponsors et de faire évoluer la programmation en fonction." N.Cap
---> A Nîmes (France), du vendredi 3 au dimanche 5 juin. Prix : 29 €/jour, 75 €/pass 3 jours. Infos : https ://thisisnotalovesong.fr Vol direct depuis la Belgique.
La recette "This is not a love song"
Du vendredi 3 au dimanche 5 juin aura lieu du côté de Nîmes le This is not a love song (Tinals), 4e du nom. Son directeur, Fred Jumel, nous décrit la formule de l’événement.
L’idée C’est avant tout une histoire de copains passionnés de musiques indépendantes… "Avec des amis (et notamment Chistian Allex, codirecteur artistique de Tinals, par ailleurs coprogrammateur des Eurockéennes de Belfort et du Cabaret vert, NdlR), on s’est rendu compte qu’on fréquentait chaque année les mêmes festivals : le Pitchfork à Paris, La Route du Rock à St-Malo, le Primavera de Barcelone et le SXSW à Austin… De là est partie l’idée d’organiser un festival ensemble dans ce genre-là. Il n’y en avait pas tant que ça en France, c’était surtout des grosses machines, sans proximité entre les artistes et le public […] Nous voulions faire un festival à taille humaine, sans tête d’affiche, mais plutôt avec des projets de niche qu’on n’a pas l’occasion de programmer à l’année pour des questions de rentabilité… En concentrant de tels groupes en nombre, pour que cela puisse justifier de se déplacer."
La salle Le festival s’appuie sur Paloma, une salle de spectacles qui a vu le jour il y a quatre ans, parmi les dernières nées en France et dont notre interlocuteur est le directeur. "C’est un grand complexe de pratiquement 6000 m2 avec deux salles de spectacles (1400 et 300 places), locaux de répétition, studio d’enregistrement, station de radio (à disposition de radios associatives durant l’année, et permettant des captations de sessions live ou d’interviews également diffusées sur le Net durant le festival) et, ce qui fait la particularité du lieu, des appartements qui permettent de multiplier les résidences d’artistes…" Air - à l’affiche cette année - y a fait sa résidence de création avant d’entamer sa tournée européenne. Stromae avait fait de même.
L’argent Le festival n’est pas subventionné en tant que tel. Mais profite des deniers publics de Paloma, structure pré-citée montée par l’agglomération de Nîmes. "Une partie du budget de l’endroit à l’année permet d’organiser Tinals. Sans cela, on ne pourrait pas le faire, en tout cas pas à ce tarif-là (- de 30€ la journée, de 60 à 75€ les 3 jours, NdlR) . Ni sans les 300 bénévoles qui font tourner le festival. Aujourd’hui, on doit en être à un tiers d’autofinancement (billetterie, bar), le reste étant des subventions publiques de Nîmes métropole, mais aussi du Département, de la Région et de l’Etat."
La date Fin mai/début juin, pas mal d’artistes internationaux sont déjà présents en Europe, pour d’autres gros festivals comme le Primavera, qui se joue le même week-end. "Notre proximité avec Barcelone nous permet d’intercepter sur la route certains de ces artistes programmés par le Primavera, puisqu’il passe forcément près de chez nous pour retourner vers Paris. On ne s’en contente pas mais on en profite aussi, même si ce ne fut pas évident de dévier la route des artistes pour les attirer à Nîmes." Ce qui a aidé, c’est la réputation des arènes - où énormément d’événements sont organisés durant l’été - auprès des agents anglais, qui connaissaient la ville.
Le nom Un clin d’œil au titre de PIL, "une des chansons qui pour nous représentent les musiques indépendantes", assure Fred Jumel. "Elle a ce côté un peu loufoque et à la fois très simple, qui nous a séduits car on voulait faire les choses simplement, sans prise de tête, en faire une aventure collective où chacun prend du plaisir. Le festival ne nous fait pas vivre à l’année, on a nos métiers par ailleurs… Tinals existe car on a vraiment envie de voir ces groupes. Cette chanson symbolisait tout ça. De plus, ça faisait long, et personne ne prend de nom long d’habitude (rires). Enfin, il y a ‘love’ dedans… On s’est dit que c’était ce dont les gens avaient besoin aussi. On n’y propose pas vraiment de chansons d’amour, y programme au contraire des musiques extrêmes parfois jusqu’au métal… Mais l’esprit est là. C’est un peu un festival de hippies pour ça."
L’esprit La philosophie du festival tourne avant tout autour du DIY (pour ‘do it yourself’, doctrine de la débrouille). "En amont dans notre méthode de travail mais aussi en aval au travers des activités proposées sur le site du festival, en marge des concerts… Il y a des ateliers (couronnes de fleurs, sérigraphie, customisation de vêtements, etc.), des jeux, le speed meeting, qui permet aux festivaliers de rencontrer en face-à-face les artistes et les pros durant quelques minutes… Cette année, on célébrera même de faux mariages façon Las Vegas avec un prêtre déguisé en Elvis […] L’idée, c’est que les gens fassent des choses avec nous et avec les artistes. A nous, organisateurs, de créer le terrain favorable aux rencontres. Le but est de faire vivre une expérience, de ne pas se contenter de spectateurs passifs qui viennent voir leur concert puis s’en vont… Et du même coup d’amener le public vers ces groupes qui nous semblent majeurs. Des groupes installés qui ont marqué cette culture indé, et la jeune scène montante internationale qui va la renouveler."
L’édition 2016 Air, Foals, Dinosaur Jr., Ty Segall, Beach House, Lush, Shellac, Battles sont peut-être les groupes les plus réputés parmi la cinquantaine qui se produira cette année à Nîmes. "Vous en connaissez 4 ou 5 ? C’est déjà bien ! Pour le reste, on vous promet un bon moment et des découvertes avec des artistes qui sont véritablement nos coups de cœur." Trois soirées payantes de 18h à 2h, et deux après-midi gratuites de 15h à 18h, "où les gens peuvent venir librement, avec leurs pique-niques et profiter des lives, des ateliers, etc." Pour sa 4e édition, l’objectif a été un peu revu à la hausse, passant à 14 000 spectateurs cumulés sur trois jours. Pas plus de 4000 personnes devant une scène donc… "On reste aussi intime que possible. Hors de question pour nous en tout cas de regarder les mimiques des artistes sur grand écran." Le podium principal se trouvera par contre en extérieur pour la première fois.