La solitude de Don Giovanni

Mergeay Martine
La solitude de Don Giovanni
©DR

Fondateur, en 1984, du Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini est un des plus grands spécialistes du répertoire baroque qu’il dote d’un mélange très personnel d’autorité, d’inspiration et de feu. Cela ne l’a pas empêché, ces derniers temps, de se déployer du côté "classique" - entendez la période entre Haydn et Mendelssohn -, et penser, comme c’était notre cas, qu’il n’avait dirigé de Mozart que son "Don Giovanni" nous valut une mise au point assez sèche : "J’ai aussi dirigé les ‘Nozze di Figaro’, ‘Entführung aus dem Serail’, ‘Zaide’, ‘La Finta Semplice’ ainsi que le Requiem et beaucoup de musique orchestrale…" Et qu’est-ce qui amena le maestro du côté de Mozart ? "Je suis souvent invité à diriger des orchestres ‘modernes’, auxquels le vrai baroque demeure étranger alors qu’avec une musique plus tardive, il est possible d’arriver à d’excellents résultats."

Entre fulgurances et "belle routine"

En particulier ce "Don Giovanni" bientôt à l’affiche de l’Opéra royal de Wallonie ? Comment le bouillonnant Romain voit-il cet opéra ? "Je noterai tout d’abord que le livret est assez pauvre d’un point de vue dramatique, à part le début et la fin du premier acte et, évidemment, la fin du second acte. Pour le reste, tout se joue entre Leporello et Don Giovanni, sur fond de critique sociale, avec un côté burlesque délibéré (il s’agit bien d’un ‘dramma gioccoso’ !)."

Et les autres personnages, et surtout les femmes, Donna Anna, Donna Elvira, Zerlina ? "Tout comme dans ‘Cosi fan tutte’, les personnages sont assez peu déterminés (ils semblent même parfois bizarres du point de vue psychologique…). En outre, surtout pour le XVIIIe siècle, les situations décrites ne sont ni anormales, ni spécialement scandaleuses, d’autant que livret est ‘presque’ comique… Mais, évidemment, Mozart va beaucoup plus loin que Da Ponte ! (Ouf - NdlR…) Le meurtre du Commendatore et certains passages clefs déjà évoqués sont d’une modernité stupéfiante et nous plongent en plein romantisme. Mais le reste de l’opéra - notamment les airs de Donna Anna et de Donna Elvira - appartient majoritairement à ce que j’appelle ‘la belle routine de Mozart’, à son vocabulaire ’normal’. "

Les hommes ont la cote

Comment Mozart voit-il Don Giovanni ? Pourquoi ne lui attribue-t-il pas de véritable aria ? "Je ne suis pas persuadé que Mozart condamnait Don Giovanni… Quant aux arias, ce n’est pas Mozart mais Da Ponte qui l’en a privé et à juste titre : Don Giovanni est un actif, et un orgueilleux, qui veut mener sa vie comme il l’a décidé, qui ne peut pas perdre une minute, et c’est inscrit dans le caractère musical de son rôle. Observez aussi qu’à l’exception de Leporello - mais qui n’est pas de sa condition sociale - Don Giovanni est dans une solitude totale et terrible. Donna Anna ne sait pas ce qu’elle veut, et Donna Elvira lutte pour la seule chose impossible : le faire changer… Un seul personnage pourrait être sa hauteur et c’est Don Ottavio. Dans sa façon de tout sacrifier à Donna Anna, celui-ci démontre une force de caractère comparable à celle de Don Giovanni."

Cette nouvelle production de "Don Giovanni" de Mozart est mise en scène par Jaco Van Dormael.

Opéra royal de Wallonie, du 20 au 29 novembre. Infos : 04.221.47.22 ou www.operaliege.be

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