Plongée au cœur de l’intimité d'Alain Chamfort

Isabelle Monnart
French singer Alain Chamfort performs at L'Olympia in Paris, France on March 25, 2016. Photo by Francois Paulette/ABACAPRESS.COM Reporters / Abaca
French singer Alain Chamfort performs at L'Olympia in Paris, France on March 25, 2016. Photo by Francois Paulette/ABACAPRESS.COM Reporters / Abaca ©Reporters / Abaca

Jusqu’ici, il avait toujours refusé de faire le voyage qui l’amènerait à la source de ses souvenirs. Pas par coquetterie, peut-être un peu par pudeur. Il pensait, au fond, que le mieux aurait été qu’un autre s’en charge, à qui il livrerait anecdotes et confidences. Et puis, un éditeur plus malin que les autres lui a proposé d’écrire une "antibiographie musicale". Curieux, Alain Chamfort s’est laissé séduire par cette drôle d’idée et, "finalement, on a fait… une biographie", dit-il dans un grand éclat de rire, au bout du fil.

N’empêche, les titres des chapitres sont des titres de chansons. C’est une manière de rappeler que la musique devait rester au centre de tout ça ?

A chaque fois, il y a une confusion entre ma vie et la musique. Quelque fois, il y a eu des choix qui n’étaient d’ailleurs pas synchrones. Par exemple, pendant une longue période, avec Jacques Duvall, on a écrit des chansons terribles sur des séparations et l’incommunicabilité dans le couple, alors que je vivais une relation très fusionnelle ! Quelquefois, les chansons dirigent votre vie par la suite…

A vous lire, on a presque l’impression que vous naissez quand vous découvrez la musique. Ça a été le cas ?

J’ai un peu l’impression, oui. Ça a été une manière de me trouver plus à ma place. J’ai rencontré un élément dans lequel j’étais en harmonie. Quelque chose qui était à la fois protecteur, qui permettait de m’isoler, de me consoler quand je ne me sentais pas bien. Ça me permettait de me retrouver un peu dans ma bulle.

Vous racontez ce moment où, à l’âge de quatre ans, vous avez été séparé de votre famille, placé dans un centre de santé, à Hendaye. Est-ce que c’est là que vous vous êtes enfermé pour la première fois dans cette bulle ?

Oui, je pense que c’est un peu ça. Ça a été le déclencheur. Avant, j’étais dans le confort de la présence de ma mère, qui était très rassurante, très maternelle, comme une maman poule. L’absence s’est d’autant plus fait sentir que sa présence était constante, avant. J’ai mis en place une sorte de défense, pour échapper à la tristesse. Je me sentais perdu, abandonné. Je n’avais même pas ma sœur à côté de moi, puisqu’elle était logée dans un autre dortoir. Tout ça au milieu d’infirmières, d’enfants malades. C’était très inhabituel et très déstabilisant pour moi. J’ai mis en place quelque chose de l’intériorité qui, après, a trouvé sa vraie place dans la musique.

Vous racontez vos débuts - Dutronc, Clo-Clo, Gainsbourg - sans heurter personne, mais aussi sans mentir sur les hommes qu’ils sont.

Il y avait un vrai besoin de vérité. Chacun a sa part d’humanité. Tous ces gens ont des qualités, qui sont connues, mais c’était aussi amusant de raconter l’envers du décor et leur complexité. Je n’ai aucune agressivité à leur égard, aucune rancœur, mais il me semblait important de raconter les choses telles qu’elles se sont passées.

Vous parlez aussi des femmes de votre vie qui, elles, sont toujours de ce monde. Vous ne vous donnez pas le beau rôle, en avouant, notamment, avoir quitté votre femme (enceinte) pour Lio…

Comment dire ? Je voulais aussi l’écrire pour celles et ceux qui ont vécu ces moments-là. Mettre les choses sur le papier parce qu’il y a toujours du non-dit autour de ces histoires. On est toujours extrêmement mal à l’aise, confronté au fait de devoir assumer les situations. Là, dans un livre, chacun a la possibilité de comprendre l’histoire de mon point de vue.

Sur Claude François

"En coulisses, l'homme dépouillé de ses apparences flatteuses se montrait sous son vrai jour: foncièrement solitaire, d'une nature autoritaire. Dans ces conditions, comment ne pas me protéger de son aura dominatrice? Car la subir m'aurait conduit à ne jamais évoluer. Plus facile à dire qu'à faire ! Je comprenais le danger seulement au moment où je prenais conscience d'être devenu sa propriété, sa chose, une parmi celles dont il disposait à son gré. Je crois bien qu'il me possédait."

Sur Lio

"Nous avions une différence d'âge appréciable à condition de la compter dans les deux sens: elle avait quatorze ans de moins que moi, donc moi quatorze ans de plus qu'elle. Au début d'une liaison, on n'en tient pas compte, à la longue le compte n'est plus très bon... Cette différence aurait pu, ou dû, produire des discordances d'appréciation, des jugements opposés sur les mouvements du monde: en musique, dans la mode, sur les gens, bref, sur tout ce qui fait qu'on chante juste ou faux l'air du temps. Il n'en était rien. 

Aucun décalage dû à notre différence d'âge ne se produisait. C'est qu'il existe d'instinct- ou elle n'existera jamais- une heureuse harmonie: une eurythmie du couple. Celle des plaisirs du sexe d'abord."

Alain Chamfort, Intime (Cherche Midi), 224 pp., 18€

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