Opéra: quand Cherkaoui raconte Gandhi

Nicolas Blanmont, Envoyé spécial à Bâle
Opéra: quand Cherkaoui raconte Gandhi

Le chorégraphe belge monte pour l’Opéra flamand "Satyagraha". Critique.En sanskrit, "Satyagraha" (l’étreinte de la vérité) désigne un principe de non-violence prôné par Gandhi. Mais c’est aussi le titre du deuxième opéra de Philip Glass, jalon essentiel d’une trilogie d’opéras-portraits comprenant également "Einstein on the Beach" et "Akhnaten". L’Opéra flamand, qui avait déjà monté en 2015 l’opéra consacré au pharaon égyptien, proposera en 2018 ce "Satyagraha" qui conte la destinée du Mahatma. Le spectacle a été confié à Sidi Larbi Cherkaoui et est actuellement visible à l’Opéra de Bâle, un des co-producteurs de cette belle rareté.

Créé en 1980, l’œuvre est divisée en trois actes correspondant à trois personnages qui ont interagi avec Gandhi : Léon Tolstoï, Rabindranath Tagore et Martin Luther King. Résolument tonale et consonante, la musique est dans le style emblématique de Glass - minimaliste et répétitif - et garde, le plus souvent, l’allure d’un oratorio plus encore que d’un opéra. C’est dire que le chorégraphe Cherkaoui, qui avait déjà monté "Les Indes Galantes" de Rameau et proposera l’an prochain "Pelléas et Mélisande" de Debussy à Anvers et Gand, trouve ici un espace naturel pour son art : douze danseurs de la compagnie Eastman partagent ici le plateau avec les chanteurs. Ils assurent tout à la fois une action qui manque parfois dans le livret, mais aussi une forme de décor humain en s’agglomérant puis en se séparant sans cesse. C’est que toute la soirée se déroule sur un plateau scénique presque nu, hormis une grande plate-forme suspendue à des filins qui, tantôt, s’incline vers l’avant et, tantôt, se soulève totalement.

Mais le travail de Cherkaoui ne s’arrête pas aux danseurs de sa compagnie : les mouvements des chanteurs sont eux aussi chorégraphiés dans un style qui transcende largement les codes d’acteurs auxquels ils sont habituellement cantonnés. Le tout est plus d’une fois créateur d’une grande poésie visuelle, particulièrement chez un Gandhi qui, tel le roseau, plie et penche son corps - soutenu par les danseurs - mais sans jamais le rompre. On ne connaît pas encore la distribution du spectacle lorsqu’il sera donné à Anvers et Gand l’année prochaine. A Bâle, la soirée est dirigée avec beaucoup de soin par l’Américano-Allemand Jonathan Stockhammer, mais les chanteurs sont de niveau inégal : le ténor suisse Rolf Romei (Gandhi), la mezzo-soprano Maren Favela (Kasturbai) ou le baryton Andrew Murphy (Mr Kaltenbach) sont particulièrement dignes d’éloges.

Bâle, Théâtre, les 12, 14, 16 et 18 juin; www.theater-basel.ch

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