Aldous Harding, femme de l'année
Il y a des chanteurs, des chanteuses et il y a des artistes. Hannah Harding est une artiste. Une chanteuse, une ensorceleuse, une actrice. Elle était cette semaine à l'AB. Nous l'avions rencontrée à la fin de l'été.
- Publié le 17-11-2017 à 15h53
- Mis à jour le 17-11-2017 à 15h56
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Il y a des chanteurs, des chanteuses et il y a des artistes. Hannah Harding est une artiste. Une chanteuse, une ensorceleuse, une actrice. "J'aime jouer les actrices, c'est vrai (…) Je suis une personne très compliquée. Et je ne sais pas toujours très bien laquelle de ces facettes prend le pas sur moi. Je laisse les choses faire, je n'ai pas vraiment le choix…" Mais la brune est un personnage bien plus grand encore que ceux qu'elle interprète, et qu'elle abandonne souvent en chemin sans même s'en apercevoir pour se révéler par endroits. Quand elle monte sur scène, qu'elle prend le micro ou que monte sa colère, ses joues se font écarlates. Dès qu'elle entre dans la lumière et nous fixent de ses yeux noisettes, nos pupilles se dilatent.
"Aldous" est un petit éclair tombé d'un nuage néo-zélandais. Une décharge électrique céleste. Une interprète, auteure et compositrice au phrasé hypnotique de 27 ans, comme, avant elle, Lorina sa maman. Originaire de Lyttelton (jamais petite ville n'eut été si bien nommée), elle mine ses chansons de roulages de «R» à l'élégance maladroite, depuis deux albums et trois ans. Et à chaque éclat de voix de cette "fête" triste et mélancolique, une forêt de frissons se dresse sur l'épiderme.
"C'est drôle que 'The Party' soit perçu comme un disque triste, nous confiait-elle à la fin de l'été. Je le vois moi comme un album triomphal. Probablement parce que ma confiance s'est bâtie au fil de son écriture. Mais pas mal de gens me le disent. Peut-être est-ce moi qui ai tort finalement. A priori, personne n'a le droit de m'expliquer comment est mon propre album… Mais j'ai réalisé pas des choses et appris sur mes chansons au fil de certaines interviews depuis l'entame de cette tournée." Nous aussi nous apprenons de cet échange. Ainsi, on voyait dans "Blend" une romance éperdue, où la chanteuse suppliait quelqu'un de revenir et de pardonner… Il s'agissait de son père en l'occurrence, ce que nous n'avions pas vu venir. Une relation compliquée avec sa famille que la ténébreuse Néo-zélandaise ne veut et ne peut que garder privée.
Plus encore que sur son précédent, sur "The Party", Aldous Harding est totalement habitée, déclame avec une sensibilité à faire trembler les murs. "Je ne suis pas une intellectuelle, mais je pense avoir l'intelligence des sentiments. Je sens les gens, mais ça ne veut pas dire que je suis de bons conseils. Car je ne suis pas certaine de pouvoir transformer cette connaissance en sagesse." Sa voix évoque parfois celle de la muse Nico, de Joanna Newson ou encore d'Hope Sandoval. Sa plume chante la mort, célèbre la vie, retient la douleur, ose l'amour avec une justesse et une impudeur qui imposent le respect. Sur ce dernier disque, neuf merveilles, réalisées avec le concours du chantre country Marlon Williams et de monsieur John Parish, habitué des brunettes aux cordes intenses, puisque complice de longue date de PJ Harvey.
Aldous Harding semble d'ailleurs avoir le caractère tout aussi trempé que PJ. Capable de jouer la cow-girl lascive tout en implorant le retour d'un être aimé, dans un clip génial en forme de contre-pied ("Blend"). Ou de fendre les crânes comme les cœurs de cet ultime et déchirant "Swell Does the Skull". "Je trouve que ma musique n'est pas toujours facile à écouter. C'est quasiment de la non-musique parfois. Il y a tellement de trous, de ponts, de silence… C'est très intense." Intense mais écoutable et beau, pas d'inquiétude Aldous. Personne ne nous avait chatouillé les glandes lacrymales comme ça depuis les débuts d'Alela Diane.