Les miracles musicaux du Festival des Crêtes
Au milieu des collines de Toscane, dans des églises magnifiques, on renouvelle l’expérience de la musique.
- Publié le 06-08-2018 à 08h27
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Au milieu des collines de Toscane, dans des églises magnifiques, on renouvelle l’expérience de la musique.
A l’ouest de Sienne, sur la route d’Arezzo, Pienza ou Chiusi, on traverse la région des Crêtes. Une zone doucement vallonnée, de terres parfois brûlées par la chaleur, surmontées de rangées de cyprès, parfois vertes de vignes alignées. Un paysage sublime, resté identique à celui que peignait déjà en 1338, dans sa fresque du Bon Gouvernement, Ambrogio Lorenzetti au Palazzo Pubblico de Sienne.
Chaque village a gardé une âme, chacun possède ses trésors : une église rongée par le temps, aux murs de briques, des fresques qu’on devine, une fontaine. Avec chaque soir, une lumière chaude qui habille le paysage d’une poésie troublante.
Depuis 18 ans, Philippe Herreweghe a voulu faire partager son amour pour ce coin de Toscane en y organisant un festival annuel de musique de haut niveau, « le festival Collegium Vocale Crete Senesi ». Avant le concert, sur le parvis des églises, on déguste un verre de chianti et ceux qui le souhaitent dînent le soir, après le concert, au pied de l’église en compagnie des musiciens.
Le festival offrait encore cette année des miracles.
Barbara Hannigan
La Chiesa San Francesco à Asciano est le coeur du festival avec ses murs décrépis et romantiques et son acoustique parfaite. Philippe Herreweghe y avait invité cette année deux « divas » internationales, pour un concert Eric Satie.
La soprano canadienne Barbara Hannigan est une de grandes musiciennes d’aujourd’hui partageant son temps entre le chant (souvent de musique moderne) et la direction d’orchestre. Dotée d’un physique de rêve, avec sa silhouette gracieuse, sa longue chevelure, ses immenses yeux bruns, elle est aussi une comédienne exceptionnelle, donnant vie et feu à chacun de ses rôles. Son interprétation du Grand Macabre de Ligeti avec le London Symphony Orchestra en 2015 est un moment de folie géniale. Elle fera cette saison ses débuts de chef d’orchestre à la Monnaie dans "The Rake’s Progress" de Stravinski.

Au Festival des Crêtes, elle a interprété, toute en intériorité et émotion, six mélodies de Satie et de larges extraits de son Socrate. Le hasard (mais existe-t-il ?) a voulu qu’au moment où elle arrivait à la mort de Socrate, la cloche d’une église voisine sonnait le glas. Une prestation bouleversante filmée tout au long par son compagnon, l’acteur et réalisateur Mathieu Amalric.
Elle était accompagnée du pianiste (et chef d’orchestre) hollandais Reinbert De Leeuw, 80 ans. Comme tous les très grands artistes arrivant en fin de vie, il abandonne la virtuosité et choisit la simplicité dans son son interprétation toute en douceur des Gnossiennes d’Eric Satie, saluée par une longue ovation debout.
Hildegard Von Bingen
Cette année le festival comprenait pour la première fois un concert dans une des plus belles églises de Toscane, l’Abazzia Sant’Antimo à Montalcino. Construite au XIIe siècle, en style roman cistercien, elle se niche au milieu des cyprès et des oliviers. La pureté de l’architecture et la beauté de se chapiteaux sont exceptionnelles. Le festival a pu y donner cet année une récital Hildegard Von Bingen (1098-1179) interprétée par huit chanteuses du Tiburtina Ensemble de Prague, accompagné à la harpe. Elles ont chanté le « Ego sum Homo », les « visions musicales » de cette grande mystique qui fut aussi une abbesse très impliquée dans le monde d’ici-bas. A nouveau, ces superbes chanteuses, habillées de noir, ont pu créer là, au coeur de la Toscane, un moment où le temps s’est arrêté durant un heure de jouissance musicale.
A coté des 11 concerts qui ont attiré 5000 visiteurs, le festival a proposé une Masterclass à dix jeunes. L’écrivain flamand Stefan Hertmans y a évoqué ce qu’est pour lui, la connaissance de la musique. Stefan Hertmans, l’auteur du magnifique « Guerre et Térébenthine » sort à la fin du mois, la traduction française de son nouveau roman « Le coeur converti ». On lira alors dans La Libre une Iongue rencontre avec lui.
Le prochain festival aura lieu en 2019, du 28 juillet au 2 août.