Gaëtan Roussel: "On a besoin d’enthousiasme et de lumière"
- Publié le 22-10-2018 à 14h05
- Mis à jour le 22-10-2018 à 18h08
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L’ancien frontman de "Louise Attaque" sort son troisième album solo, sauvé par un duo avec Vanessa Paradis.Curieux, hypercréatif et souvent inspiré, Gaëtan Roussel a parfaitement su exploiter le succès titanesque rencontré par Louise Attaque, fin des années 1990, pour construire une carrière foisonnante. Outre les quatre albums sortis avec ses petits camarades du Midi de la France, la création d’un groupe frère ("Tarmac") et ses compositions pour Bashung, Rachid Taha ou Vanessa Paradis, il compose pour le cinéma, et vient tout juste de sortir Trafic, un troisième album solo, ouvertement conçu pour accrocher les auditeurs de la bande FM.
Ce Trafic est foisonnant, presque boulimique, il y avait une vraie volonté d’attraper l’auditeur dès la première écoute ?
Oui, j’aime la musique tendue, lisible, et j’avais envie d’une ligne claire avec des mélodies immédiates. Mes textes sont peut-être plus sombres que sur les albums précédents (j’évoque Alzheimer, l’addiction, la confiance en soi… ), alors d’une certaine manière, je voulais que la musique vienne contrebalancer les paroles. À côté des sujets, des histoires, il y a des refrains explosifs parce que je crois qu’on a besoin d’enthousiasme et de lumière, aujourd’hui.
Les "beats" sont omniprésents également, est-ce une façon de coller à l’époque, la modernité ?
Je ne spécule jamais sur ce que le public veut entendre ou non, car c’est la meilleure façon de se planter. Par contre, j’essaie d’aller à la rencontre de gens qui peuvent m’aider à rester connecté à mon époque. Moi, j’ai commencé ma carrière dans un groupe, Louise Attaque. On était soudés, copains. On avait quelque chose à dire parce qu’on était ensemble et on faisait des chansons pour faire des concerts. Ici, mon approche était radicalement différente. Je suis allé à Los Angeles car on m’a proposé de participer à des ateliers d’écriture. Ce n’est pas ma démarche habituelle, mais c’était une bonne façon de rester curieux, d’être bousculé. Un petit coup d’épaule n’a jamais fait de mal à personne. C’est là que j’ai rencontré Dimitri, Jonas et Justin - un Français, un Suédois et un Australien - qui ont bossé avec moi sur l’album. Les beats que l’on entend sur N’être personne, c’est Dimi par exemple. Il a 25 ans, il m’a incité à m’immerger dans l’époque actuelle.
46 ans, c’est un peu la mi-temps, vous la vivez comment ?
Je crois que je commence tout doucement à être décomplexé par rapport aux choses. Je suis encore tendu, mais je l’étais beaucoup plus sur Ginger, mon premier album. J’étais vraiment obnubilé par le fait que les gens puissent penser que j’essaye de faire la même chose qu’avec mes camarades de Louise Attaque, mais sans eux.
Le succès de Louise Attaque a été difficile à encaisser à l’époque ?
Difficile, je ne pense pas, mais il a fallu l’encaisser d’une façon ou une autre. Globalement, je dirais que ça a été une vraie chance, un passeport inouï pour pouvoir faire de la musique en toute liberté. Grâce au succès financier, il y a énormément de choses qu’on a pu choisir de faire et surtout ne pas faire. Il faut avoir les moyens de refuser de faire le disque que beaucoup attendent et de sortir un deuxième album conçu comme une réaction au premier. Mais je dirais que la clé a vraiment été d’avoir les pieds sur scène. On donnait énormément de concerts à l’époque, ça nous a permis de nous détendre et de nous retrouver en 2006 puis en 2016.
Vous multipliez les collaborations avec d’autres artistes, pourquoi ?
Ça part toujours de cette envie de rencontrer les gens. J’ai produit le dernier album de Raphaël, par exemple, un disque magnifique qui n’a pas eu la résonance qu’il aurait dû avoir. J’ai l’impression qu’il y a moins de place pour ce genre de musique aujourd’hui. C’est un disque qui n’a pas éclos alors qu’il aurait dû.
Le rap, ultra-créatif et omniprésent, a-t-il un peu "avalé" la chanson française ?
C’est sûr qu’il y a un peu moins de place qu’avant pour la chanson. Comme c’était inversement le cas pour le rap par le passé. Mais ce que je trouve surtout compliqué aujourd’hui, c’est le fait d’être entouré de plein de choses en permanence. C’est pour ça que j’ai appelé mon disque Trafic. Écoute le son dans la pièce en ce moment, on est immergés dans le bruit. Il y a toujours quelque chose qui bouge. Ce qui n’est pas facile, c’est d’arriver à se poser et à écouter quelque chose jusqu’au bout.