Maison des morts, orchestre des vivants
- Publié le 08-11-2018 à 08h44
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Le dernier opéra de Leos Janacek revient à La Monnaie.Et si, pour une fois, la vedette était l’orchestre ? Et si au lieu de commencer par la mise en scène, si avant d’évoquer les chanteurs, on parlait d’abord de ceux qui sont dans la fosse ?
Un peu décevant dans La Flûte enchantée de Castellucci (d’après un certain Mozart), l’Orchestre de la Monnaie retrouve pour De la maison des morts les superbes couleurs, l’énergie et l’enthousiasme que lui a apportés depuis quelques mois Alain Altinoglu. Le directeur musical n’est pourtant pas aux commandes cette fois, ayant cédé le pupitre à Michael Boder.
Ce n’est pas faire injure à ce chef allemand de soixante ans de dire qu’il n’est pas une star. Mais il est d’une race en voie d’extinction, celle des Kapellemeister de la grande tradition, capables de diriger tous les répertoires, du classique au contemporain, sans se mettre en avant mais en soulignant le génie du compositeur. Tout au long de l’heure quarante - sans entracte - que dure le spectacle, c’est un flot ininterrompu, organique, incandescent, aux couleurs constamment changeantes.
Boder magnifie toute la polyphonie de la partition, étage idéalement les différents plans sonores et intègre le chant - chœurs comme solistes - dans cette masse, plutôt que d’en rester l’humble support. Pour une fois à l’opéra, les émotions passent par ce ventre qu’est la fosse d’orchestre bien plus que par ce visage qu’est la scène.
Alors, oui, Warlikowski fait du Warlikowski. C’est-à-dire qu’il transforme (ici, un peu) et actualise complètement. Pas d’univers noir à la Dostoïevski - auteur du roman dont est tiré le livret de ce dernier opéra de Janacek -, mais un décor rudimentaire comme on en a vu souvent chez le metteur en scène polonais : la cage de scène nue - mais habillée de graffiti et autres œuvres de street-art -, un parallélépipède de plexiglas sur roulettes (le bureau des gardiens) et un univers d’aujourd’hui.
Violence - beaucoup de violence -, armes blanches, tatouages, uniformes de bagnards et trainings, une accumulation de détails tous pertinents mais qui, pourtant, ne distraient pas de ce qui se passe dans la fosse. Et si la poésie du livret n’est pas visible des yeux - l’aigle est remplacé ici par un grand basketteur - elle s’écoute par les oreilles.
De la maison des morts n’est pas de ces opéras qui font briller les chanteurs, aucun ne ressort d’ailleurs du lot mais tous méritent des louanges, tant pour leurs qualités vocales que pour leurs talents d’acteurs - avec à la clé un casting parfait parce qu’il caractérise parfaitement chacun des personnages.
---> La Monnaie, jusqu’au 17 novembre, www.lamonnaie.be